Un dangereux précédent pour la loi sur la transparence
La loi sur la transparence (LTrans), en vigueur depuis 2006, a instauré un principe fondamental de transparence dans l’administration afin de favoriser un meilleur contrôle démocratique et une plus grande confiance de la population envers les institutions étatiques. La LTrans prévoit un accès aux documents officiels à toute personne qui en fait la demande, sans que celle-ci ait besoin de fournir de justification.
La LTrans prévoit aussi des exceptions pouvant limiter, différer ou refuser l’accès aux documents officiels. Cependant, aucune des exceptions mentionnées dans la LTrans ne concerne le prix des médicaments, dont la fixation incombe à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). En outre, la jurisprudence considère que le secret d’affaires ne peut être invoqué comme exception dans le cadre de la fixation du prix d’un médicament.
Légaliser des rabais secrets constituerait ainsi une nouvelle disposition spéciale au sens de l’art. 4 LTrans, une première concernant les assurances sociales (comme l’assurance-maladie). Pourtant, les arguments mis en avant par le Conseil fédéral pour justifier cette disposition spéciale ne sont pas convaincants sur le plan juridique, comme le démontre l’avis de droit.
Il s’agit plutôt d’arguments motivés par une politique commerciale visant à accorder des privilèges supplémentaires à l’industrie pharmaceutique. Obtenir des rabais secrets constitue en effet une demande de longue date des pharmas visant à maintenir des prix officiels (ou «prix de vitrine») élevés sans devoir dévoiler les ristournes accordées, ceux-ci étant utilisés comme base de comparaison internationale.
Utiliser et affaiblir le principe de transparence à des fins de politique commerciale constituerait un dangereux précédent. Alors que le financement de l’assurance-maladie repose en grande partie sur les assuré·e·s, il est essentiel de garantir un haut degré de transparence par rapport à la fixation du prix des médicaments par l’État, y compris des rabais négociés. Les mettre sous une chappe de plomb supplémentaire irait à l’encontre des objectifs de transparence promus par la Suisse.