Credit Suisse et UBS

Quelle est la position des grandes banques suisses en matière de droits humains Credit Suisse et UBS ? Nous faisons ici la lumière sur trois secteurs centraux identifiés par le Représentant spécial de l’ONU : les lignes directrices en matière de droits humains, les processus de contrôle du devoir de diligence et la transparence.

Credit Suisse

Quelle est la position de Credit Suisse en matière de droits humains ? Nous faisons ici la lumière sur trois secteurs centraux identifiés par le Représentant spécial de l’ONU : les lignes directrices en matière de droits humains, les processus de contrôle du devoir de diligence et la transparence.

Règle de conduite en matière de droits humains

Credit Suisse n’a pas de lignes directrices en matière de droits humains, pourtant exigées par les Principes directeurs de l’ONU. La banque mentionne toutefois les droits humains dans ses rapports sur la responsabilité d’entreprise. Mais ceux-ci sont lacunaires. Il manque en effet la référence au caractère non négociable du comportement responsable des entreprises, tel que défini par les Principes directeurs de l’ONU : la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte civil et le Pacte social ainsi que les normes fondamentales du travail de l'OIT.

Processus pour garantir le respect du devoir de diligence en matière de droits humains : clarifier les risques de réputation, plutôt que protéger les droits humains

Ces dernières années, Credit Suisse a élaboré des directives spécifiques pour les secteurs à haut risque. Cette initiative doit être saluée. Ces directives servent toutefois en premier lieu à évaluer les risques de réputation de Credit Suisse. Par ailleurs, la mention des « risques sociaux » et le recours au terme « droits humains » ne suffisent absolument pas pour conclure que cet examen permet de vérifier le respect du devoir de diligence relatif aux droits humains tel que défini dans les Principes directeurs de l’ONU. L’intégration des droits humains aux processus actuels d’évaluation des risques demanderait un changement de perspective. Au lieu de se focaliser sur les risques encourus par la banque, il faudrait centrer l’analyse sur les risques pour les personnes dont les droits sont menacés par les activités de l’établissement bancaire.

Les directives pour l’industrie minière et pour l’extraction du pétrole et du gaz naturel précisent que Credit Suisse ne finance pas les activités des entreprises dont elle a « de bonnes raisons de croire » qu’elles contribuent à des violations des droits humains, comme le travail forcé, le travail des enfants ou encore le recours à la force contre des communautés locales et des groupes indigènes. Pour que cette formulation soit efficace, il est impératif que cette énumération n’ait pas simplement une valeur indicative. Et comme l’exigent les Principes directeurs de l’ONU, tous les droits humains doivent être pris en considération. Il est aussi essentiel de définir ce que Credit Suisse entend par « de bonnes raisons de croire ».

Exemple : Barrick Gold

Une formulation aussi vague rend les lignes directrices de Credit Suisse inutilisables, comme le montre l’exemple de Barrick Gold, l’une des entreprises financées par Credit Suisse vers laquelle nos recherches nous ont conduits. Dans les mines de Barick Gold, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le droit à un logement convenable, le droit à l’eau et le droit à la vie – entre autres – ont été violés. Des résidus miniers ont en effet contaminé aux métaux lourds les eaux environnantes. En 2009, des policiers d’élite nourris et logés par Barick ont pris d’assaut les lotissements alentour, les ont évacués de force et ont brûlé les maisons des populations indigènes. Lors de la discussion des cas mis en évidence par notre recherche, Credit Suisse a mis en doute la crédibilité du rapport sur les violations des droits humains commises par Barrick Gold. Depuis, des faits bien plus graves encore (violences sexuelles à répétition de la part du personnel de sécurité) ont été dévoilés et Barrick les a reconnus. Credit Suisse a considéré les rapports des organisations non gouvernementales, basés sur les témoignages de victimes, comme « peu crédibles ». La banque n’en a donc tiré aucune leçon. Une approche conséquente en termes de droits humains ne peut pas écarter d’office des témoignages de personnes dont les droits ont été violés sous prétexte qu’ils manqueraient de crédibilité.

Transparence : Credit Suisse bat UBS, mais peut encore s’améliorer

Credit suisse publie des résumés de ses directives internes (économie forestière et agricole, pétrole et gaz naturel, armes controversées, huile de palme, énergie hydraulique, énergie nucléaire). Comme elle ne publie pas les directives dans leur intégralité, Credit suisse ne répond toujours pas aux exigences de transparence. Toutefois, les éléments contenus dans ces résumés la placent clairement devant sa concurrente UBS.

UBS

Quelle est la position d'UBS en matière de droits humains ? Nous faisons ici la lumière sur trois secteurs centraux identifiés par le Représentant spécial de l’ONU : les lignes directrices en matière de droits humains, les processus de contrôle du devoir de diligence et la transparence.

Règle de conduite en matière de droits humains

UBS n’a pas mis à jour sa « déclaration sur les droits humains » depuis novembre 2006. Cette date suffit à montrer que la banque ne tient pas compte des évolutions en matière de droits humains et entreprises qui ont eu lieu dans le cadre du processus Ruggie. Elle ne fait référence à aucune charte des droits humains, pas même à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il est étonnant qu’UBS préfère proposer une « déclaration » abrégée de son propre cru. Dans celle-ci, l’activité principale d’UBS n’est mentionnée qu’à deux reprises :

  • « Nous n’avons qu’une influence limitée dans les relations que nous entretenons avec nos clients »
  • « Nous souhaitons encourager une utilisation responsable de nos produits et de nos services: c’est pour cela que nous évaluons nos clients potentiels et tenons compte des droits humains au cours de l’exécution de nos transactions ».

Mais UBS ne précise pas quels standards en matière de droits humains elle fait référence.

Procédures liées au devoir de diligence en matière de droits humains et transparence :

En 2009, UBS a élaboré des directives spécifiques aux différents secteurs pour les branches suivantes : chimie, exploitation forestière, biocarburants, infrastructures, industrie minière et extraction de métaux, extraction de pétrole et de gaz ainsi que les entreprises d’approvisionnement (« utilities »). Elle a également établi une politique interdisant l’investissement dans des entreprises liées aux mines antipersonnel et aux bombes à sous-munitions. Mais celle-ci ne vaut que pour l’« Asset Management », à savoir les fonds administrés activement par UBS, et non pour les activités de banque d’affaires et de crédit.

Les directives sectorielles d’UBS servent à la « gestion des risques environnementaux et sociaux ». Ces risques sont définis comme suit: les risques d’atteinte à la réputation et de pertes financières qui pourraient résulter de transactions, de produits, de services ou de placements dans lesquels est impliquée une partie qui a des activités environnementales ou sociales sensibles. Comme pour Credit Suisse, c’est la réputation de la banque (et plus particulièrement, d’éventuels dommages financiers) qui se trouve au centre des préoccupations. UBS n’accorde aucune importance aux droits des personnes et la thématique de l’environnement est clairement dominante dans les informations disponibles.

Manque de transparence :

En raison du manque de transparence d’UBS, il est impossible de vérifier si les principes définis dans la « déclaration sur les droits humains » sont mis en œuvre. Sur son site internet, UBS ne communique que peu d’informations sur le contenu de ses directives relatives aux risques environnementaux et sociaux. Ce qui est clairement insuffisant et ne satisfait pas à l’exigence de transparence des principes directeurs de l’ONU.