Dix raisons de rejeter le «frein à la réglementation»
Zurich/Lausanne, 17 août 2021
Quand une loi ou un traité international entraîne des coûts pour plus de 10 000 entreprises ou un total de plus de 100 millions de francs sur dix ans, sa validation devrait être votée par la majorité qualifiée des membres des deux chambres parlementaires, plutôt que par la majorité simple des membres des deux chambres présents comme c’est habituellement le cas. Ce nouvel obstacle, proposé par le Conseil fédéral dans la procédure de consultation sur le «frein à la réglementation», rend la réglementation des entreprises plus difficile. Introduire une telle majorité qualifiée demanderait une modification de la Constitution et de la loi sur le Parlement. Public Eye estime que cette disposition spéciale est une nouveauté dangereuse car elle crée différentes catégories de lois et pourrait soumettre des projets législatifs dans leur intégralité à la clause du frein à la réglementation, ce qui aurait des conséquences dramatiques pour la politique nationale et la démocratie.
Avec ce projet, les réflexions politiques se fonderaient exclusivement sur les intérêts des entreprises – qui disposent déjà du plus puissant lobby parlementaire – et sur leur argumentation biaisée autour de la question des coûts. Or les lois devraient aussi tenir compte de l’intérêt d’une nouvelle législation pour la société, l’environnement, le marché du travail ou les consommateurs et consommatrices. Le projet actuellement proposé accentue les inégalités existantes entre les intérêts purement économiques d’acteurs privés et les intérêts écologiques et sociaux de la collectivité. Le Parlement a toutefois pour mission de protéger en premier lieu l’intérêt général et non celui des entreprises.
Dans les faits, le frein à la réglementation légitimerait en outre les violations systématiques des droits humains. Dans le calcul de leurs coûts, les entreprises pourraient tenir compte des «bénéfices perdus» ou des «affaires interrompues» pour cause d’interdictions, par exemple quand des pesticides dangereux sont bannis. Cela reviendrait à légitimer juridiquement la maximisation des profits aux dépens des êtres humains et de l’environnement. Grâce à la définition volontairement vague des «coûts réglementaires indirects», des provisions pourraient même être constituées pour d’éventuelles plaintes. Il n’y a dès lors rien de surprenant à ce que ni l’Union européenne, ni aucun de nos pays voisins ne dispose d’une (dé)réglementation semblable à celle proposée dans ce projet douteux.
Plus d'information:
Les 10 contre-arguments de Public Eye (en allemand)
Oliver Classen, responsable médias, 044 277 79 06, oliver.classen@publiceye.ch