Affaires troubles au Sahara occidental: Glencore veut forer en territoire occupé
Lausanne, 27 octobre 2014
En 2013 et 2014, Glencore production and Exploration (Morocco) Ltd. a fait l’acquisition, auprès des autorités marocaines, de licences de forage concernant les blocs offshore «Foum Ognit» et «Boujdour Shallow». D’après une présentation faite par la société zougoise, ces deux zones se trouveraient sur le territoire marocain. Or, ces indications sont erronées. Elles appartiennent en fait au Sahara occidental, revendiqué et contrôlé par le Maroc depuis le retrait de la puissance coloniale espagnole en 1976. La moitié de la population vit dans des camps de réfugiés en Algérie. Tant que le Maroc pourra tirer profit des ressources naturelles du Sahara occidental grâce à des partenaires d’affaires comme Glencore, il n'aura aucune raison de s’engager avec sérieux dans le processus de paix de l’ONU pour cette région, en cours depuis trente-neuf ans. Les autorités suisses soutiennent d’ailleurs officiellement ce processus, pour lequel elles ont mis deux médiateurs à disposition.
Comme la plupart des Etats, la Suisse ne reconnait pas la domination marocaine sur ce territoire. Le gouvernement saharaoui en exil a pour sa part reçu la reconnaissance diplomatique de 85 pays ainsi que celle de l’Union africaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’accord de libre-échange conclu par la Suisse avec le Maroc ne s’applique pas au Sahara occidental, comme le SECO le relève lui-même. En 2010, huit parlementaires ont condamné dans une lettre ouverte les importations de phosphate d’Ameropa, ce qui a poussé la société bâloise à y mettre un terme. Dans ce contexte, l’inaction politique face aux affaires conclues par Glencore au Sahara occidental ne peut s’expliquer que par le fait que les autorités helvétiques (et la population locale) ignoraient jusqu’ici l’octroi problématique de ces licences de forage au géant zougois.
En septembre dernier, la Déclaration de Berne a proposé la création en Suisse d’une autorité de surveillance du secteur des matières premières, la ROHMA. Cette autorité n’aurait pas autorisé une telle affaire. D’après les règles proposées, le droit suisse interdirait en effet à des sociétés helvétiques comme Glencore de conclure des transactions dans des zones de conflit, des Etats faillis ou des territoires occupés sans l’autorisation explicite de l’autorité de surveillance. Une telle disposition permettrait d’éviter que des sociétés suisses se risquent à négocier des deals pouvant violer les règles du droit international ou à se rendre coupables de pillage, un délit considéré comme un crime de guerre par le code pénal helvétique.
Davantage d’informations ici ou auprès de:
Marc Guéniat, Déclaration de Berne, 021 620 03 02, gueniat@ladb.ch