Barrage d'Ilisu: la Turquie détrône la Chine
14 mars 2008
Des assurances contre les risques à l’exportation ont été garanties en mars 2007 par la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche en dépit de protestations du monde entier. L’accord était assorti de 153 conditions dans les domaines de la relocalisation, de l’écologie et de la culture et un groupe international d’experts a été nommé pour s’assurer de leur bonne application. Les accords prévoyaient que les assurances contre les risques à l’exportation puissent être dénoncées et le projet ainsi arrêté si la Turquie ne respectait pas ces conditions. Le groupe d’experts s’est rendu sur place en décembre 2007 afin d’évaluer la situation et vient de publier son rapport.
Les nombreuses critiques mentionnées par les experts ont rarement été aussi évidentes. Aucune des conditions importantes n’a été remplie. Les responsables turcs n’ont été informés ni des exigences en question ni des standards de la Banque Mondiale, et il manque encore les ressources financières, institutionnelles et en personnel nécessaires à la relocalisation de 50 à 60 000 personnes. Ce qui fait d’Ilisu un projet pire encore que les barrages chinois tant décriés. La seule mise aux normes internationales en matière de relocalisation requerrait d’engager 200 personnes supplémentaires. De plus, les compensations versées aux familles expropriées sont dérisoires et sans rapport avec les exigences posées par les accords, ce qui représente encore un motif de rupture du contrat. Aucune mesure n’a été prise pour éviter l’appauvrissement de la population. Les experts en concluent que la construction doit être repoussée jusqu’à ce que toutes ces conditions soient remplies. Ils sont dès lors fermement opposés au planning roulant prévu par les assurances contre les risques à l’exportation.
Le gouvernement turc propose de déplacer certains monuments historiquement et culturellement précieux du village d’Hasankeyf. Il s’agit de ponts, de mosquées et de tombes qui seraient déplacés sur une arrête, mais les experts culturels doutent qu’ils soient même transportables. Ils émettent aussi des doutes quant à la faisabilité d’un projet touristique qui serait développé autour des monuments déplacés, notamment par rapport aux flux touristiques attendus. En outre, certaines zones archéologiquement intéressantes n’ont pas pu être visitées car elles étaient placées sous contrôle militaire. Des travaux d’excavation urgents ont dû être omis pour la même raison.
En matière d’environnement, il manque encore des études sur les incidences écologiques du projet ainsi que la richesse de la faune et de la flore. Les experts exigent qu’elles soient menées avant d’entamer la construction du barrage. Et bien que des stations d’épuration soient déjà en construction, celles-ci ne sont pas aux normes.
Anne-Kathrin Glatz, de la Déclaration de Berne, note que: «Les rapports d'experts démontrent clairement et ouvertement que le projet d’Ilisu est un fiasco. Les partenaires turcs ont ignoré les conditions des accords et ne possèdent pas les capacités nécessaires pour réaliser le projet de manière appropriée. L’assurance suisse contre les risques à l’exportation engage sa crédibilité si elle continue à louer le projet d’Ilisu et à accepter les excuses récurrentes des autorités turques.» Les représentants des assurances contre les risques à l’exportation de la Suisse, de l’Allemagne et de l’Autriche souhaitent aborder le sujet dans les prochaines semaines à Ankara. La Déclaration de Berne demande à l’assurance suisse contre les risques à l’exportation d’exposer alors clairement sa position et de se retirer du projet.
Ci-dessous, les liens pour les rapports d'experts sur les conséquences environnementales du projet d'Ilisu
Février 2008 m-h-s.org/ilisu/upload/PDF/Analysen/Bericht_Umwelt_Februar_2008.pdf
Mai 2008 m-h-s.org/ilisu/upload/PDF/Analysen/Bericht_Umwelt__Mai__2008.pdf
Juin 2008 m-h-s.org/ilisu/upload/PDF/Analysen/Bericht_Umwelt__Juni__2008.pdf