Démantèlement des navires en Asie et cigarettes toxiques en Afrique: deux enquêtes dévoilent les pratiques douteuses de sociétés suisses
Lausanne/Zurich, 21 janvier 2019
La journaliste indépendante Marie Maurisse s’est intéressée aux recettes secrètes des géants suisses du tabac en Afrique, en particulier au Maroc, où les exportations de cigarettes «Made in Switzerland» sont très élevées: 2900 tonnes en 2017, soit quelque 3,625 milliards d’unités. Des tests exclusifs réalisés pour son enquête «Les cigarettes suisses font un tabac en Afrique» révèlent l’existence d’un double standard. Les cigarettes produites en Suisse et vendues au Maroc par Philip Morris International et Japan Tobacco International présentent des taux de particules totales, de nicotine et de monoxyde de carbone plus élevés que celles destinées au marché domestique. Contrairement à la directive en vigueur dans l’UE, la législation helvétique permet en effet aux géants du tabac installés en Suisse de fabriquer et d’exporter des cigarettes plus nocives et plus addictives que celles commercialisées sur son territoire. Selon l’OMS, les décès liés au tabac vont doubler en Afrique d’ici à 2030.
Le journaliste belge Gie Goris est parti sur les traces des compagnies maritimes suisses dans la ville d'Alang, en Inde, «où les bateaux se cachent pour mourir». Il y a trouvé des chantiers de démolition aux conditions moyenâgeuses, des syndicalistes en colère ainsi que des travailleurs privés de leurs droits, qui risquent chaque jour leur vie pour un maigre salaire. Même le numéro deux mondial du transport maritime, MSC, fait démanteler ses navires à Alang. Les méthodes de «recyclage» du géant genevois, qui a récemment fait les gros titres pour les dommages causés par ses conteneurs en mer du Nord, montrent l'écart considérable entre ses promesses de durabilité et la réalité de ses pratiques. Nicola Mulinaris, de l’ONG Shipbreaking Platform, qui a également participé à ce projet, met en lumière le contexte politique dans lequel s’inscrit ce commerce de déchets toxiques illégitime, mais légal, et montre la responsabilité du secteur suisse de l’affrètement dans ce scandale.
Créé à l’occasion du 50ème anniversaire de Public Eye, ce «prix d’investigation» a pour but de soutenir le travail de journalistes et d’ONG qui enquêtent sur les pratiques irresponsables de sociétés suisses dans des pays en développement et émergents, que ce soit en matière de violations de droits humains, d’atteintes à l’environnement ou de flux financiers illicites. Ces deux projets ont été sélectionnés parmi 55 propositions par un jury composé de collaborateurs de Public Eye et de journalistes de renom. Ils ont été financés grâce à une campagne de crowdfunding menée en avril 2018, à laquelle 325 personnes ont généreusement contribué. Les lauréats présenteront leurs enquêtes ce soir à Zurich, dans le cadre d’une soirée sur «Le journalisme d’investigation, à la croisée des médias et des ONG».
Plus d’informations ici ou auprès de:
Géraldine Viret, responsable médias, +41 21 620 03 05, geraldine.viret@publiceye.ch
Vous pouvez suivre la conférence en direct sur Facebook (en anglais).