Comment Glencore échappe à ses responsabilités en Bolivie

Dans la mine de Porco, exploitée par une filiale de Glencore sur les hauts plateaux boliviens, des coopératives locales extraient le zinc, le plomb et l’argent que l’entreprise laisse derrière elle. Bien que Glencore rachète une part importante de ces minerais, le géant zougois ferme systématiquement les yeux sur les fréquents accidents du travail et infractions environnementales. L’initiative pour des multinationales responsables contribuerait à mettre enfin un terme à cette irresponsabilité organisée.
© Christian Lombardi/Public Eye

Si des statistiques officielles concernant les accidents font défaut, le témoignage d’une médecin sur place fait état de vingt morts par an, en moyenne, dans la mine de Porco. Lorsque les prix des minerais se sont envolés en 2017, la mine a embauché davantage de main-d’œuvre et un décès est survenu presque chaque semaine, comme le révèle une nouvelle enquête de Public Eye. Selon cette médecin, en poste depuis plusieurs années, des travailleurs âgés de moins de 18 ans sont aussi régulièrement soignés au centre médical de la petite ville de Porco. Les plus jeunes n’auraient que onze ans. Les blessures sont le plus souvent causées par des chutes ou des éboulements de blocs de pierre. Il n’y a quasiment aucun dispositif de sécurité dans les galeries, comme notre journaliste a pu lui-même le constater.

À Porco, on extrait du zinc, de l’argent et du plomb depuis 700 ans. Cette mine, la plus ancienne de Bolivie, est exploitée par la Sociedad Minera Illapa S.A., une filiale détenue à 100% par Glencore. En 2013, Illapa a signé un contrat d’association de 15 ans avec la société étatique Corporación Minera de Bolivia (Comibol). Celui-ci stipule que «tous les aspects opérationnels» sont «intégralement sous l’entière responsabilité exclusive» d’Illapa – et par conséquent de sa société mère en Suisse. Illapa emploie quelque 400 travailleurs; les coopératives plus de 4500. Lorsqu’un secteur n’est plus intéressant pour l’extraction mécanisée de la filiale de Glencore, les travailleurs des coopératives prennent le relais, à l’aide d’outils rudimentaires et au péril de leur vie.

La mine empoisonne également l'eau des villages en aval. À Sora Molino, par exemple, la municipalité de Porco a mesuré une concentration de zinc dans la rivière Agua Castillo, principale source d'eau potable de la population, six fois supérieure au maximum autorisé en Bolivie. Pour le fer, également nocif pour l’être humain et l'environnement à des taux importants, la valeur mesurée était 28 fois plus élevée que la limite légale. Et 50 fois plus élevée pour le manganèse. Les conséquences écologiques et sociales sont graves: les lamas qui boivent cette eau meurent, et le rendement des cultures a diminué de moitié. Les habitants et habitantes, privés de leurs moyens de subsistance, sont contraints de quitter leur village.

Confrontée à ces faits, une porte-parole de Glencore à Baar répond que des discussions seraient en cours avec les autorités communales de Porco pour «mieux comprendre leurs préoccupations concernant la qualité de l’eau». Les contrats d'achats avec les coopératives seraient soumis à un devoir de diligence raisonnable, y compris – et explicitement – concernant la sécurité et le risque de travail des enfants. Notre enquête sur place montre que ces dispositions ne permettent pas d’empêcher les conditions de sécurité effrayantes et le recours à des travailleurs encore adolescents.

Si l’initiative pour des multinationales responsables était adoptée, Glencore ne pourrait plus enfreindre les normes environnementales et devrait s’assurer que la rivière Agua Castilla ne soit plus polluée par les activités de la mine. La multinationale devrait aussi faire tout ce qui est en son pouvoir afin qu’aucun travailleur de moins de 18 ans ne s’éreinte dans de telles conditions à Porco pour extraire des minerais et afin d’empêcher les accidents graves, et souvent mortels, qui pourraient être évités.

Vous pouvez lire ici l’intégralité de notre enquête. Des photos sont également disponibles pour les médias.

Plus d’informations auprès de:

Géraldine Viret, responsable médias, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch

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La réaction de Glencore:

Glencore a réagi à notre enquête dans une prise de position publiée le 13 novembre 2020 sur son site internet, puis en tant qu'encart publicitaire d'une page entière dans la presse suisse. Le géant minier rejette nos affirmations, sans apporter aucun argument venant réfuter nos principales critiques. Nous lui avons répondu point par point.