Lagos et Accra ne seront plus polluées par les carburants toxiques

Près de dix mois après la publication du rapport « Dirty Diesel », le Nigeria et le Ghana ont divisé par soixante la teneur en soufre autorisée dans l’essence et le diesel importés. Ces nouveaux standards sont entrés en vigueur le 1er juillet. L’enquête de Public Eye a mis en lumière le modèle d’affaires des négociants suisses en pétrole, basé sur la commercialisation de produits hautement toxiques. Soutenus par un écho médiatique mondial, les partenaires africains de l’ONG suisse ont su convaincre leur gouvernement d’interdire les carburants à haute teneur en soufre afin de protéger leur population. Les autorités suisses et les négociants refusent toujours d’assumer leurs responsabilités.
© Public Eye

S’agissant du diesel, les deux pays ouest-africains ont fixé le seuil maximal à 50 ppm (parties par million). Au Ghana, le seuil pour l’essence est également établi à 50 ppm, tandis qu’il plafonne à 150 ppm au Nigeria. Il s’agit d’un renforcement conséquent des standards, puisque le diesel et l’essence pouvaient jusqu’ici contenir respectivement 3000 ppm et 1000 ppm, contre 10 ppm en Suisse. De tels niveaux restent toutefois la norme en Afrique de l’Ouest. Les nouveaux standards adoptés au Nigeria et au Ghana réduiront massivement les émissions de particules fines liées au transport routier, en particulier dans les grands centres urbains.

Lors de la publication de son rapport explosif, en septembre 2016, Public Eye appelait quatre types d’acteurs à agir. Seuls les Etats africains se sont résolus à prendre des mesures rapides et efficaces. La détermination du Ghana et du Nigeria contraste ainsi avec l’attitude des dirigeants occidentaux. Les Pays-Bas et la Belgique, responsables de l’essentiel des exportations de carburants à haute teneur en soufre destinées à l’Afrique de l’Ouest, n’ont esquissé qu’un timide débat politique. En Suisse, pays hôte des principaux négociants actifs sur ce marché, les autorités refusent toujours de prendre leurs responsabilités en instaurant un devoir de diligence contraignant pour les sociétés domiciliées sur le sol helvétique.

De leur côté, les négociants comme Vitol et Trafigura ne sont pas prêts à renoncer à une part de leurs profits pour préserver la santé de millions de personnes dans les pays où ils opèrent, préférant se cacher derrière la légalité de leurs pratiques. Plus grave encore, les importateurs nigérians, dont plusieurs fonctionnent en partenariat avec des sociétés suisses, tentent de faire capoter cette avancée en exagérant l’impact sur les prix à la pompe. Responsable « Qualité de l’air et Mobilité » au sein du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Rob de Jong fait part de ses préoccupations :

Nous sommes inquiets que des informations erronées sur les coûts associés à l’introduction de carburants à faible teneur en soufre puissent compromettre la mise en œuvre du nouveau standard au Nigeria. Dans tous les pays où de tels carburants ont été introduits, l’impact sur les prix s’est avéré minime.

Public Eye appelle les négociants suisses à faire preuve de retenue dans le cadre du débat politique au Nigeria et à exiger la même conduite de leurs partenaires locaux. Vendre des carburants toxiques est illégitime, essayer d’empêcher leur interdiction serait inadmissible.

Plus d’informations ici ou auprès de :

Marc Guéniat, responsable « enquêtes », Public Eye, +41 21 620 03 02, marc.gueniat@publiceye.ch

Géraldine Viret, responsable communication, Public Eye, +41 21 620 03 05, geraldine.viret@publiceye.ch 

https://www.publiceye.ch/fileadmin/files/images/Rohstoffe/Dirty_Diesel/DirtyDiesel_NewStandards_july2017.gif