Le Conseil fédéral sous pression: établir un registre des bénéficiaires réels des sociétés devient un standard international
Lausanne/Zurich, 5 mars 2022
Après s’être opposé pendant des années à l’introduction d’un registre des ayants droit économiques des sociétés, le Conseil fédéral devra une fois de plus céder à la pression internationale. Le Groupe d’action financière (GAFI), cofondé par la Suisse et chargé de surveiller le respect des normes minimales de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a révisé sa recommandation 24 lors de sa réunion plénière. La nouvelle norme du GAFI sur la transparence et les bénéficiaires effectifs des personnes morales oblige tous les États membres à créer un tel registre. Certains d’entre eux – dont la Suisse – sont toutefois parvenus à imposer, par un lobbying efficace, la possibilité de recourir à des «mécanismes alternatifs». On ignore à ce jour quels critères ces mécanismes devront remplir pour répondre aux exigences du GAFI.
Un registre central est un premier pas vers plus de transparence sur les liens de propriété réels, y compris des sociétés boîtes aux lettres. Public Eye regrette toutefois que la nouvelle norme du GAFI n’exige pas un registre public, qui permettrait aussi une meilleure coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment d’argent – un crime qui, souvent, ne s’arrête pas aux frontières nationales. L’Union européenne oblige depuis plusieurs années ses États membres à introduire un registre public des ayants droit économiques des sociétés.
La divulgation des ayants droit économiques des sociétés est l’une des mesures les plus efficaces pour lutter contre la criminalité économique. Pourtant, le Conseil fédéral a toujours choisi l’inaction. Jusqu’à cette décision du GAFI, il s’appliquait à maintenir le statu quo, en s’engageant à «une valorisation de la réglementation suisse, ainsi qu’à une norme internationale suffisamment flexible» au sein du GAFI.
Pour ne pas revivre la débâcle du secret bancaire, la Suisse doit tirer les leçons des récents scandales, comme les «Pandora Papers», et combler les lacunes juridiques qui facilitent l’évasion fiscale et la criminalité économique sur la place financière suisse. Public Eye demande au ministre des Finances Ueli Maurer de soumettre sans tarder des amendements législatifs au Parlement. Pour que la Suisse ne reste pas une oasis réglementaire au cœur de l’Europe, les autorités helvétiques doivent s’aligner sur les normes de l’UE et introduire au plus vite un registre public des bénéficiaires économiques réels des sociétés. Il est par ailleurs impératif de soumettre les avocat·e·s, fiduciaires et autres conseillers/conseillères des sociétés offshore aux obligations de diligence raisonnable prévues par la loi sur le blanchiment d’argent (LBA).
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