L'Union européenne légalisera-t-elle la biopiraterie?
18 juin 2013
La commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen votera, le 4 juillet, sur la Proposition de Règlement. La présentation du texte final est prévue au Parlement européen en octobre 2013.
Dans la Proposition de Règlement, les obligations des utilisateurs se limitent aux ressources génétiques et savoirs traditionnels associés auxquels on accède physiquement dans le pays d'origine après l'entrée en vigueur du Protocole de Nagoya. Cette application contraste fortement avec une grande majorité de lois existantes dans les pays fournisseurs sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, où c'est également l'utilisation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés qui déclenche l'obligation de partager les bénéfices sur la base d'un consentement préalable en connaissance de cause et des conditions mutuellement convenues.
L'interprétation étroite et partiale du Protocole de Nagoya par la Commission européenne et des lois de mise en œuvre subséquentes risque fortement d'avoir plusieurs conséquences graves:
- Une partie importante des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés utilisés dans l'Union européenne ne seront pas couverts par la Proposition de Règlement, ce qui contreviendra à l'objectif du Protocole de Nagoya de partager de manière équitable les bénéfices et reviendra à légaliser la biopiraterie.
- Les utilisateurs individuels des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés n'obtiendront pas ce qu'ils ont toujours demandé, à savoir la certitude juridique. Ils se retrouveront probablement dans des situations où l'utilisation des ressources biologiques et des savoirs traditionnels serait légale selon la loi européenne, mais illégale selon les lois des pays fournisseurs. Ainsi, un utilisateur pourrait être en conformité avec les normes européennes, mais susceptible de poursuites judiciaires au moment de son entrée sur le territoire du pays fournisseur. De telles situations ne profiteront à personne.
- Pour finir, un système global d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation doit impérativement être fondé sur la confiance mutuelle entre les utilisateurs et les fournisseurs. La formulation actuelle de la Proposition trahirait cette confiance. Elle est susceptible de mener à des conditions d'accès plus strictes, rendant ainsi la recherche et le développement (R&D) plus bureaucratiques et lourds pour les utilisateurs européens. Faciliter l'accès en vue de la R&D – un des objectifs sous-jacents du Protocole de Nagoya – ne serait pas atteint. De plus, de précieuses opportunités pour inciter la conservation et l'usage durable de la biodiversité seraient perdues.
Natural Justice et la Déclaration de Berne demandent donc au Parlement européen, au Conseil et à la Commission, d'adopter un règlement conforme aux objectifs du Protocole de Nagoya et d‘assurer que toutes les utilisations qui ont lieu après l’entrée en vigueur dudit Protocole remplissent les règles relatives aux conditions d'accès et de partage des bénéfices des pays fournisseurs. Le rapporteur du comité ENVI a formulé plusieurs amendements à cet égard. C'est uniquement de cette manière que la confiance entre les pays fournisseurs et utilisateurs peut être établie, la certitude juridique créée, et une plus grande contribution à la conservation et à l'utilisation équitable de la biodiversité garantie.