Matières premières: l’UE accroît la pression sur la Suisse
10 avril 2013
Après plusieurs mois de négociations informelles – le «trialogue» entre les ministres européens, la Commission européenne et le Parlement européen sur la révision de la Transparency Directive et de l’Accounting Directive – un consensus a enfin été trouvé. Formellement, cet accord doit être validé en juin par le Parlement européen. L’Europe politique ne s’est pas laissée intimider par les pressions massives exercées par le secteur des matières premières, en premier lieu par les majors pétroliers, et a décidé des mesures suivantes:
- A l‘instar de ce qu’ont décidé les Etats-Unis en août dernier, l’UE contraint les firmes à publier leurs paiements par pays et par projet (mine, champ pétrolier, etc.). Bruxelles fournit en outre une définition précise de ce qu’est un projet, ne laissant pas aux firmes le soin de décider elles-mêmes.
- Comme les Etats-Unis toujours, l’UE impose la publication de tout paiement à un gouvernement à partir de 100'000 euros (aux USA, 100'000 dollars).
- Comme les Etats-Unis enfin, l’UE ne tolère aucune exception – et cela quel que soit le pays de provenance de la matière première.
Ces avancées en Europe et aux Etats-Unis sont le fruit de longues années d’efforts fournis par la coalition internationale d’ONG «Publiez ce que vous payez», dont le travail est soutenu et porté en Suisse par la Déclaration de Berne et Swissaid.
Le vent de transparence qui souffle depuis quelques mois au sein des démocraties occidentales accroît la pression sur le Conseil fédéral, qui devrait s’assurer que la Suisse ne reste pas une oasis réglementaire, opaque et isolée, dans le domaine des matières premières. Avant Pâques, le Conseil fédéral publiait son «Rapport de base: matières premières». L’une des rares mesures concrètes proposée était justement l’ouverture d’une consultation en vue d’adopter une loi sur la transparence des paiements applicables au secteur des matières premières (lire à ce sujet l’analyse de la Déclaration de Berne). Comme l’UE, les Etats-Unis et probablement bientôt le Canada, la Suisse doit adapter son cadre législatif aux spécificités de son secteur des matières premières.
Ainsi, un copier-coller des normes européennes ne serait pas adapté aux particularités du secteur en Suisse et raterait sa cible. En effet, l’UE abrite sur son territoire de nombreux sièges et sociétés-mères de firmes actives dans l’extraction minière et l’exploration pétrolière, souvent cotées en bourse. Dès lors, les grandes sociétés suisses actives dans ces domaines précis seront soumises aux nouvelles normes européennes. En tant que première place mondiale du négoce des matières premières, la Suisse doit donc étendre la transparence des paiements à ce domaine. La Confédération a la responsabilité de contribuer à l’amélioration de la transparence et d’encadrer ce secteur crucial pour nombre de pays en développement.