Or sale raffiné en Suisse : l’ignorance ne doit pas être gage d’impunité
Lausanne, 2 juin 2015
Dans son ordonnance rendue en mars, le MPC conclut qu’Argor a bien raffiné près de trois tonnes d’or pillé par des rebelles congolais entre 2004 et 2005 et violé son règlement interne. Il estime pourtant que la société n’a pas commis de délit, puisqu’elle n’a pas nourri de doutes sur la provenance de l’or. Mais comment admettre que l’un des principaux raffineurs du monde ait pu être si naïf ? L’Ouganda, d’où était censé provenir l’or en question, ne produit presque pas de métal jaune, et ce pays était réputé à l’époque des faits pour servir de transit à de l’or pillé en RDC par des groupes armés. L’ONU et des ONG dénonçaient le rôle clé de ce commerce dans le financement des milices, dont les exactions ont fait des millions de victimes.
L’impunité dont jouit Argor est une invitation officielle aux raffineurs et autres sociétés soumises à la Loi sur le blanchiment d’argent à ignorer les informations qui pourraient les amener à découvrir des affaires problématiques, ou à prétendre qu’elles n’en avaient pas connaissance. C’est aussi une nouvelle preuve de l’insuffisance des mesures volontaires pour prévenir l’introduction, dans les circuits commerciaux, de matières premières sales, c’est-à-dire illégales ou illégitimes. Dans le secteur de l’or, les autorités fédérales et les entreprises allèguent volontiers du caractère très strict des directives internes dont les sociétés se dotent, soutenant que celles-ci sont plus efficaces que les règlementations contraignantes demandées par les ONG. Le cas Argor souligne pourtant les limites de ces codes de conduite : aussi stricts soient-ils sur le papier, leur application reste très relative et se heurte toujours à la logique des profits qui dicte les choix des sociétés. Et surtout, leur violation n’est pas sanctionnée. Dans le secteur de l’or, comme ailleurs.
Pour protéger l’intégrité de la Suisse, il est nécessaire de disposer d’une loi obligeant les sociétés à connaître l’origine des produits qu’elles commercialisent et à s’assurer que ceux-ci n’aient pas été obtenus ou fabriqués en violation des droits humains ou des normes environnementales. C’est ce que demande l’initiative pour des multinationales responsables lancée par 65 organisations suisses, dont la Déclaration de Berne. Les sociétés ne doivent plus pouvoir se prévaloir de leur ignorance pour conclure des affaires douteuses en toute impunité !
Pour plus d’informations :
Olivier Longchamp, Déclaration de Berne, +41 21 620 03 09; longchamp@ladb.ch