Prix des médicaments: le Conseil fédéral fait fi des principes démocratiques pour légaliser les rabais secrets
Lausanne/Zurich, 3 octobre 2022
Environ 9 milliards de francs: c’est le montant déboursé en 2021 par l’assurance obligatoire des soins pour les médicaments, soit un quart de ses dépenses totales. Les génériques ne représentent qu’une part minoritaire de ces coûts, alors que les montants consacrés aux médicaments brevetés s’élevaient à 6,8 milliards de francs. Comme le montre un rapport récemment publié par Public Eye, les entreprises pharmaceutiques engrangent d’immenses profits sur les médicaments anticancéreux à prix élevés. Lorsqu’une caisse-maladie paie 1000 francs pour un médicament, jusqu’à 900 francs atterrissent directement dans la poche du fabricant.
La transparence en matière de fixation des prix des médicaments brevetés est essentielle pour maîtriser l’explosion des coûts de la santé. Or, dans le cadre de la révision de la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), le Conseil fédéral mise sur des modèles de prix confidentiels négociés avec les pharmas. Il prévoit par ailleurs d’exclure ces deals secrets du champ d’application de la loi sur la transparence (LTrans), ce qui empêchera tout contrôle démocratique. Le Conseil fédéral se plie ainsi aux volontés des pharmas, qui profitent de cette opacité pour faire monter les enchères. Grâce aux «prix vitrines» (fictifs), elles peuvent promettre à chaque pays le meilleur deal, sans que personne ne sache jamais combien les autres ont réellement payé. Pour optimiser ses ventes et ses profits, l’industrie pharmaceutique impose en Suisse des prix aussi élevés que possible – et c'est l’assurance obligatoire des soins, et donc les assuré∙e∙s, qui passent en fin de compte à la caisse.
Le Conseil fédéral tente même d’imposer les rabais secrets et la dérogation à la LTrans par voie d’ordonnance, avant même que le débat parlementaire sur la révision de la LAMal n’ait eu lieu (et donc sans base légale). C'est ce que montre le projet mis en consultation jusqu’à vendredi dernier et sur lequel Public Eye a également pris position. Cette manœuvre est contraire aux principes démocratiques et constitue un dangereux précédent: un avis de droit commandé par Public Eye conclut non seulement qu’«une restriction globale du droit d’accès à la LTrans concernant le montant, le calcul ou les modalités des remboursements» serait «contraire au système», mais aussi que des limitations au principe de transparence ne peuvent pas être réglées par voie d’ordonnance.
Dans une lettre ouverte, Public Eye demande à 40 parlementaires du Conseil national et du Conseil des États qui ont des liens directs avec l’industrie pharmaceutique et/ou les assurances-maladies de prendre leurs responsabilités. En tant que représentant∙e∙s du peuple, ces personnes doivent s’engager en faveur des intérêts des assuré∙e∙s, en empêchant le Conseil fédéral d’ancrer dans la loi des accords secrets avec les pharmas.
Plus d’informations auprès de:
Patrick Durisch, programme santé, +41 21 620 03 06, patrick.durisch@publiceye.ch
Géraldine Viret, responsable médias, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch
Contexte: un «modèle de prix» (ou «managed entry agreement») est une convention entre l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et une firme pharmaceutique qui fixe les modalités d’admission d’un médicament dans la liste des spécialités afin de permettre la prise en charge financière du traitement par l’assurance-maladie obligatoire. Ces modalités comprennent le prix, le rabais et les éventuelles études complémentaires. Aujourd’hui déjà, en Suisse, la moitié de ces modèles de prix font l’objet de rabais secrets. Avec la révision de la LAMal, le Conseil fédéral veut légaliser a posteriori cette pratique.