Procès Steinmetz: le plus grand scandale de corruption dans le secteur minier jugé à Genève
Lausanne, 11 janvier 2021
Sept ans après l’ouverture de la procédure à Genève, le magnat des mines Beny Steinmetz va enfin devoir répondre devant la justice des faits qui lui sont reprochés. Selon le Ministère public genevois, l’homme d’affaires a conclu dès 2005 un «pacte de corruption» avec l’ancien président guinéen Lansana Conté, au pouvoir entre 1984 et 2008, et sa quatrième épouse Mamadie Touré. Au moins 8,5 millions de dollars ont été versés à cette dernière, notamment via des comptes bancaires suisses. Le but: évincer un concurrent (Rio Tinto) et garantir à Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) l’obtention, en 2008, de concessions dans l’un des plus grands gisements de fer du monde, la mine de Simandou. Ce «deal du siècle» (The Sunday Times) a permis à BSGR de réaliser une plus-value colossale, environ deux fois le budget de l’État guinéen de l’époque.*
Afin de masquer ces schémas présumés corruptifs, Beny Steinmetz a eu recours à des montages opaques, notamment orchestrés depuis Genève via une société de conseil, Onyx Financial Advisors, dont l’ancienne directrice figure aussi sur le banc des accusés. Car pour ses «bons offices», Mamadie Touré n’a pas été payée directement par BSGR, mais par une société en apparence indépendante, Pentler Holding Ltd, domiciliée dans les Iles vierges britanniques. Or, celle-ci est en réalité contrôlée par BSGR à travers un réseau de structures offshore. En 2013, Public Eye avait déjà cartographié la toile extrêmement complexe tissée par Beny Steinmetz depuis Genève, où il résidait jusqu’en 2016. L’homme d’affaires a toujours nié les accusations de corruption, et son avocat Marc Bonnant plaidera l’acquittement.
Cette affaire montre comment le recours abusif aux paradis fiscaux facilite la dissimulation d’activités douteuses, voire illégales, dans des États où le niveau de gouvernance et les réglementations sont faibles. Elle questionne aussi le rôle trouble joué par les conseillers et avocats en tant que prestataires de services pour créer ou gérer des sociétés et trusts offshore, et qui s’abritent derrière le secret professionnel. Ce n’est pas sans raison que le Groupe d’action financière (GAFI) demande depuis 2003 à ses États membres de soumettre aussi les activités dites non financières aux lois sur le blanchiment d’argent (LBA). Pour mettre un terme à de tels scandales, la législation suisse doit couvrir les actes liés à la création, la gestion ou l’administration de sociétés ou de trusts. La publication des propriétaires et des ayants droit économiques réels des sociétés dans les registres du commerce suisses est également essentielle.
Plus d’informations auprès de:
Géraldine Viret, responsable médias, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch
Agathe Duparc, responsable enquête (présente à l’audience), +33 7 71 22 34 13, agathe.duparc@publiceye.ch
*Contexte
Le premier président démocratiquement élu qu’ait connu la Guinée, Alpha Condé, a initié en 2011 un examen des contrats miniers conclus par ses prédécesseurs. C’est ce processus qui a permis de mettre en lumière le scandale: profitant des dernières heures de vie du dictateur Lansana Conté, BSGR a obtenu en 2008 la concession des blocs 1 et 2 du gisement de fer de la mine du Simandou. Contre un investissement de 165 millions de dollars, le groupe a revendu dix-huit mois plus tard 51% de ses parts au brésilien Vale pour 2,5 milliards! En 2013, une enquête pénale a été ouverte aux États-Unis. Le FBI est parvenu à mettre la main sur des documents et des témoignages accablants, comme le racontait un récit passionnant du magazine américain The New Yorker.