Public Eye Awards 2013 : les prix de la honte reviennent à Goldman Sachs et à Shell
24 janvier 2013
A travers les Public Eye Awards 2013, Greenpeace Suisse et la DB récompensent deux sociétés qui représentent de façon exemplaire ceux des membres du WEF et celles des entreprises dont les délits en matière sociale et écologique révèlent la face cachée d’une mondialisation axée exclusivement sur la recherche de profits:
Goldman Sachs obtient le prix du jury. La société bancaire américaine est un acteur central de la mondialisation, guidée par la finance, qui alimente les profits de quelques rares nantis par le biais d’inégalités phénoménales et de l’appauvrissement de larges couches de la population. Andreas Missbach, expert financier à la Déclaration de Berne, explique à ce sujet : « Les produits dérivés de Goldman Sachs qui ont permis à la Grèce d’intégrer la zone euro de façon frauduleuse ont hypothéqué l’avenir de la population grecque. En outre, les managers de Goldman Sachs sont les maîtres du tourniquet : en occupant alternativement des postes au sein de la banque et des postes publics ou politiques, ils s’assurent les affaires de demain. » Michael Baumgartner, président du jury des Public Eye Awards, ajoute : « Goldman Sachs est non seulement l’un des principaux gagnants de la crise financière, mais en outre, la banque occupe une place prépondérante dans le casino des matières premières : elle a conquis ces marchés pour en faire sa nouvelle source d’argent et commencé à déstabiliser les prix. Si les prix des denrées alimentaires battent à nouveau tous les records, comme en 2008, des millions de personnes vont sombrer dans la famine et la misère ».
L’invité vedette de la cérémonie de remise des prix d’aujourd’hui, le professeur William K. Black, a parlé de l’énergie criminelle des entreprises, de l’oligarchie de l’industrie financière et de l’état de la démocratie. Voilà ce qu’il dit à propos du lauréat du Public Eye Jury Award : « Ce que je tiens à démontrer, c’est que Goldman Sachs n’est pas un cas unique en son genre, tel une seule pomme pourrie sur un pommier regorgeant de fruits (en l’occurrence des banques) sains et appétissants. Goldman Sachs incarne la norme de ce que l’on appelle les systemically dangerous institutions ou SDI (c’est-à-dire des institutions systémiquement dangereuses), aussi connues sous le nom de banques ‘too big to fail’ ».
Shell, lorsqu’il s’agit de projets pétroliers particulièrement controversés, risqués et polluants, est toujours de la partie. La société néerlando-britannique dirigée par un PDG suisse, Peter Voser, à laquelle les internautes ont attribué le prix de la honte du public, est donc naturellement en première ligne de ce projet de recherche de matières fossiles, hautement risqué, dans la zone particulièrement sensible de l’Arctique. La découverte de ces hydrocarbures a été rendue possible par le changement climatique, auquel Shell a contribué, et plus précisément par la diminution de la couche glacière arctique. Chaque projet pétrolier offshore est synonyme d’émissions de CO2. Or, les réserves de pétrole dans l’Arctique seront épuisées en trois ans. Cela n’empêche pas Shell de miser sur l’un des derniers paradis naturels sur Terre et de mettre en danger quatre millions de personnes ainsi qu’une faune incroyable. La société a été confrontée à une série de pannes préoccupantes sur place, ces derniers mois, et elle n’en est même pas encore à la phase de forage. Leurs consignes de sécurité ne méritent même pas d’être mentionnées tellement elles sont lamentables. Les experts sont formels : une catastrophe pétrolière peut survenir à tout moment et vu les conditions spécifiques à l’Arctique, elle ne pourrait vraisemblablement pas être endiguée. Selon Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace International : « Shell a investi 4,5 milliards de dollars dans un projet insensé, très risqué et qui n’est que source de problèmes. Le résultat du vote du Public Eye Awards montre que le public garde un œil sur Shell et que le comportement scandaleux de cette société continuera d’être sanctionné par l’opinion publique ».
Ulrich Thielemann, directeur de la Denkfabrik für Wirtschaftsethik à Berlin et vice-directeur de 2001 à 2010 de l’Institut pour l’éthique économique à l’Université de St-Gall, a décrit le rôle de la science dans des initiatives telles que Public Eye : « Il faut que la concurrence féroce au mépris des droits humains et des normes environnementales cesse; elle subsiste grâce à l’absence de réglementation et à la course vers le bas en matière de normes de bonne conduite d’entreprise. Les entreprises dont le comportement est responsable ne pourraient d’ailleurs que saluer ce pas en avant (la régulation), car il les libèrerait de la concurrence déloyale des entreprises scélérates ».
Outre les deux lauréats du prix de la honte 2013, Goldman Sachs et Shell, cinq autres entreprises étaient nominées : Alstom (FR), Coal India (IN), G4S (UK), Lonmin (ZA) et Repower (CH).