Rapport sur l'or: le Conseil fédéral reconnait les problèmes mais propose des mesures insuffisantes
Berne, 14 novembre 2018
Communiqué de presse commun de Public Eye, Swissaid, Société pour les peuples menacés, Action de Carême et ASK Arbeitsgruppe Schweiz Kolumbien
Principal lieu de raffinage de l’or mondial, la Suisse importe plus de la moitié de l'or commercialisé dans le monde. En 2015, le Conseil fédéral a accepté le postulat déposé par l'ancien conseiller aux Etats Luc Recordon. Ce postulat demandait de faire le point sur le commerce de l'or produit en violation des droits humains et de proposer des mesures pour remédier à cela. Cette demande fait suite à une série de scandales concernant le rôle des raffineries suisses dans le traitement de l'or sale qui se poursuit encore aujourd'hui : l'or issu du conflit au Congo, le travail des enfants et la violation des droits humains dans les déplacements forcés des populations au Burkina Faso, la Suisse comme plateforme de l’or à risque et Genève comme plaque tournante de l'or de Dubaï.
Le Conseil fédéral reconnaît que la position influente des raffineries dans la chaîne de production
«leur confère un rôle dans la résolution de problèmes de non-respect des droits de l’homme.»
Le rapport sur l’or décrit les risques dans le secteur de l'or et souligne que ni la législation en vigueur ni les normes volontaires du secteur privé empêchent l’importation en Suisse d’or extrait en violation des droits de l’homme. Le Conseil fédéral reconnaît également que la traçabilité de l'origine de l'or est essentielle, alors que les autorités se contentent aujourd’hui généralement d'indiquer le dernier pays d’expédition qui n'est souvent pas le pays d'origine de l'or.
L'analyse du Conseil fédéral comporte cependant des faiblesses importantes : les mesures prises par l'industrie aurifère sont surestimées et les lacunes du droit suisse ne sont pas bien identifiées. Le rapport explique qu’il « peut en principe être légal, même si pas opportun, pour une raffinerie suisse de s’approvisionner en or issu de production ne respectant pas les minima sociaux et environnementaux, pour autant que cette production soit considérée comme légale dans le pays de production. » Il admet également que la législation suisse sur l'or, contrairement à celle de l'UE ou des Etats-Unis par exemple, « ne comporte pas de dispositions explicites relatives au respect des droits de l’homme. »
Néanmoins, le Conseil fédéral ne reconnaît pas la nécessité de légiférer dans ce domaine. Les propositions de mesures qui en résultent sont donc clairement insuffisantes. Les organisations signataires invitent donc le Conseil fédéral à examiner et à mettre en œuvre les mesures suivantes :
- L'introduction d'une obligation de diligence raisonnable, comme l'exige l'initiative pour des multinationales responsables, avec un mécanisme de sanction si le devoir de diligence n'est pas suffisamment appliqué. Dans cette optique, le devoir de diligence de l’ordonnance sur le contrôle des métaux précieux doit également inclure les conditions dans lesquelles l’or a été produit.
- Sur le plan juridique, la loi sur le blanchiment d'argent doit être appliquée globalement (et pas seulement aux négociants en métaux précieux bancaires).
- Exiger de la part des raffineries la divulgation des résultats du devoir de diligence et les noms des producteurs et exportateurs d'or.
- Les autorités douanières doivent être tenues de recueillir les noms des importateurs et des exportateurs ou des fournisseurs et destinataires des marchandises et d'enregistrer à la fois le pays d'expédition et, dans la mesure du possible, le pays d'origine. Ces informations doivent être rendues publiques.
- Dans le cadre de la coopération au développement, la Confédération doit s’engager davantage pour améliorer les conditions et les techniques de production, en particulier dans les mines artisanales, au-delà des projets pilotes limités (Better Gold Initiative) et avec la participation financière de l'économie qui en bénéficie.
Plus d'informations auprès de:
Marc Ummel, Responsable matières premières, SWISSAID, m.ummel@swissaid.ch, 079 694 49 21
Christoph Wiedmer, Co-directeur Société pour les peuples menacés (SPM), 079 679 01 24