Retour en bourse de Syngenta: attention aux risques cachés!
Lausanne/Zurich, 15 décembre 2022
Peu après son rachat, en 2017, par le groupe étatique chinois ChemChina, Syngenta a été retirée de la bourse suisse SIX. Cet été, les nouveaux propriétaires ont annoncé une introduction en bourse («initial public offering», IPO) sur le marché des valeurs technologiques de Shanghai, Star Market, avant la fin de 2022. La capitalisation boursière visée – 45 milliards de dollars US – ferait de cette «méga-entrée en bourse» l’une des plus importantes de l’année au niveau international. Une deuxième cotation à la bourse suisse serait également envisagée. Avant d’être admise en bourse, une entreprise est tenue d’informer les investisseurs potentiels des risques commerciaux, par le biais d’un prospectus. Celui de Syngenta (uniquement en chinois) mentionne des litiges judiciaires en cours ainsi qu’un renforcement de la réglementation concernant ses pesticides, dont les effets néfastes sur la santé humaine et l'environnement sont toujours mieux documentés. Mais le groupe agrochimique ne donne aucune estimation des conséquences financières qui pourraient en découler.
Le prospectus se garde également bien de parler des produits climaticides cachés dans son portefeuille: pas étonnant, car le secteur des fertilisants, qui représente déjà 14% du chiffre d'affaires mondial de Syngenta, est très risqué. C'est ce que révèlent les analystes financiers de Profundo, dans une étude pionnière réalisée pour Public Eye. À partir de l’évaluation des émissions occasionnées par l’industrie des engrais, Profundo a calculé que l’activité mondiale de Syngenta dans ce domaine devrait générer presque neuf fois plus d’émissions de gaz à effet de serre entre 2016 et 2050 que ses activités pesticides et semences. Si, à l’avenir, les émissions de l’ensemble du groupe – qui comprend, outre Syngenta AG, le fabricant de pesticides Adama et la division agricole de Sinochem – étaient soumises à une tarification, Profundo estime que les coûts pourraient s’élever à 127,4 milliards de dollars US sur cette même période – en se basant sur le prix du carbone fixé par l’UE. Soit presque trois fois la capitalisation boursière visée par l’IPO.
Les coûts potentiels liés aux dommages sanitaires et environnementaux causés par les produits de Syngenta sont également énormes. Profundo n’a estimé que les coûts du traitement de l’eau potable et les frais de santé liés à deux maladies professionnelles agricoles reconnues comme directement attribuables aux pesticides: la maladie de Parkinson et le lymphome non-hodgkinien. Au niveau mondial, les conséquences financières pour Syngenta pourraient atteindre entre 7,2 milliards de dollars et 14,4 milliards de dollars sur les dix prochaines années. À cela s’ajoutent d’autres coûts supplémentaires difficiles à quantifier, notamment liés aux millions de cas d’intoxications aiguës aux pesticides chaque année dans le monde. Le groupe sera peut-être bientôt contraint de passer à la caisse dans plusieurs procédures judiciaires: les quelque 2000 personnes qui poursuivent Syngenta aux États-Unis et au Canada en raison de leur maladie de Parkinson pourraient contraindre l’entreprise à verser des milliards de dollars d’indemnités. Autre exemple: les plaintes d’apiculteurs et apicultrices du Canada qui accusent l’insecticide néonicotinoïde thiaméthoxame de Syngenta d’avoir décimé leurs colonies d’abeilles.
Le constat est clair: le modèle d’affaires actuel de Syngenta comporte des risques hérités du passé, qui sont également très dangereux sur le plan financier. Il n’est pas adapté pour répondre aux grands défis de notre époque, comme le dérèglement climatique. Soutenir Syngenta dans son retour en bourse, ce n'est donc pas investir pour l’avenir.
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