Un «Lifetime Award» pour dire au revoir au WEF en beauté
Lausanne, 19 novembre 2014
La votation finale pour désigner l’entreprise la plus irresponsable au niveau social et/ou environnemental porte sur six firmes sélectionnées par un jury d’experts parmi toutes les sociétés lauréates des Public Eye Awards. On retrouve des noms tristement célèbres : trente ans après la tragédie de Bhopal, en Inde, la société américaine Dow Chemical continue de nier ses responsabilités dans une catastrophe industrielle qui a causé le décès de 25'000 personnes. La compagnie pétrolière texane Chevron est quant à elle responsable de la pollution d’immenses surfaces de forêts vierges dans le Nord de l’Equateur, l’une des pires catastrophes environnementales de l’histoire. Le géant gazier russe Gazprom s’est pour sa part lancé dans des activités de forage pétrolier en Arctique, au mépris des standards de sécurité internationaux, mettant en péril les communautés indigènes, la faune locale ainsi que l’ensemble de l’écosystème arctique. Goldman Sachs a été nominée pour son implication dans la crise de la zone euro et les profits substantiels que la banque d’affaires américaine a réalisé sur le dos de pays qu’elle a elle-même contribué à plonger dans la crise, comme la Grèce. Le géant suisse des matières premières Glencore profite quant à lui de manière systématique de la faible régulation dans des pays comme la Colombie, la Zambie ou le Congo, et menace la santé de la population locale en raison de la pollution générée par ses activités. Walmart vient compléter ce sombre tableau. Le plus grand détaillant au monde se rend coupable de graves violations des droits humains et du travail sur sa chaîne d’approvisionnement, et ce dans de nombreux pays. Il sape par ailleurs les mesures de réforme efficaces dans l’industrie textile, en faisant la promotion d’un pseudo programme de sécurité qu’il pilote au côté d’autres entreprises.
Depuis quinze ans, la campagne Public Eye on Davos agit comme un contre-poids critique au WEF. Depuis 2005, des prix de la honte sont décernés afin de mettre en lumière les pires violations des droits humains et d’atteinte à l’environnement par des sociétés. Avec le « Lifetime Award », la Déclaration de Berne et Greenpeace écrivent les dernières lignes de ce chapitre davosien. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les deux organisations entendent désormais concentrer leurs efforts au sein d’une large coalition d’ONG ayant thématisé la question de la responsabilité des multinationales à l’échelle politique suisse. Cette coalition examine la possibilité de lancer une initiative populaire visant à établir des règles contraignantes pour garantir que les sociétés suisses respectent les droits humains et l’environnement partout dans le monde. La principale revendication politique du Public Eye prend donc une nouvelle dimension. Le WEF a par ailleurs fortement perdu de sa relevance ces dernières années ; cette conférence du secteur privé n’est plus le bon endroit pour exprimer des revendications qu’il est désormais possible d’adresser dans l’arène politique, où les décideurs et décideuses bénéficient d’une légitimité démocratique.
Le 23 janvier prochain, les internautes et les organisateurs feront le bilan de cette campagne dénonciatrice des dérives de la mondialisation. La cérémonie de clôture, durant laquelle le lauréat du « Lifetime Award » sera dévoilé, réunira à Davos des invités de marque, à l’image des légendaires Yes Men, les superstars américaines d’un groupe de protestation mondial. Le parlementaire européen Sven Giegold, co-fondateur d’Attac Allemagne, portera quant à lui un regard politique sur les agissements des multinationales. Dans le débat qui suivra, leurs vues croiseront celles d’Adrian Monck, directeur exécutif du WEF, et de la professeure d’économie britannique Noreena Hertz.
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