ACTA : le culte du secret se perpétue

Sous prétexte de lutte contre les fausses marques et le piratage, l’accord commercial anticontrefaçon (Anti-counterfeiting trade agreement – ACTA) vise à instaurer de nouvelles normes en matière d’application des droits de propriété intellectuelle, qui mettent en danger le respect de nombreux droits fondamentaux et des libertés individuelles. A l’initiative de la Déclaration de Berne, une coalition internationale d’ONG a obtenu du gouvernement suisse la possibilité d’être entendue le 28 juin dernier par les délégations de tous les pays prenant part aux négociations.

Négocié depuis 2007 dans le plus grand secret par un club des pays les plus riches, dont la Suisse, le projet d’accord commercial anticontrefaçon (Anti-Counterfeiting Trade Agreement – ACTA) a été rendu public pour la première fois en avril dernier, sous la pression des ONG, du Parlement européen et des mouvements de citoyens. Il confirme les craintes concernant les atteintes aux libertés fondamentales, la criminalisation de pratiques sans rapport avec la contrefaçon et le durcissement de la propriété intellectuelle. Ceux-ci auront des répercussions majeures, notamment pour l’accès aux médicaments des pays pauvres.

Le risque est en effet réel que les médicaments génériques légaux, dont dépendent de manière vitale de nombreux pays du Sud, soient de plus en plus assimilés à des contrefaçons, comme l’ont montré les saisies répétitives de lots de génériques en transit sur sol européen entre 2008 et 2009. Avec l’instauration de nouvelles normes sur le plan international au sujet desquelles ils n’auront pas eu voix au chapitre, les pays du Sud auraient infiniment plus de difficultés à faire usage des flexibilités qui leur sont pourtant garanties par les accords de l’OMC. En définitive, sur un mode totalement antidémocratique, l’ACTA contribue à instaurer un climat généralisé de présomption de culpabilité, à dilapider d’importantes ressources et à transférer de plus en plus de tâches relevant du droit privé aux pouvoirs publics, notamment la protection des brevets ou des marques. De plus, l’ACTA ne résout pas le problème des médicaments de moindre qualité ou falsifiés, qui représente pourtant le véritable enjeu de santé publique dans ce domaine. Un renforcement des dispositifs nationaux de contrôle des médicaments serait plus efficace pour lutter contre ce fléau.

A relever également que les partisans d’un internet libre et ouvert s’inquiètent des mesures contenues dans le texte actuel visant à restreindre les libertés individuelles et à propulser les fournisseurs d’internet en futurs policiers de la toile, sans réelle supervision ni possibilité de recours judiciaire.

C’est pour exprimer ces préoccupations que la Déclaration de Berne, soutenue par une coalition d’ONG suisses et internationales, a demandé à l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle une rencontre avec les pays prenant part à la négociation d’ACTA. Cette réunion s’est déroulée le lundi 28 juin à Lucerne, en présence huit représentants de la société civile et d’une vingtaine de délégués d’ACTA. Elle a permis aux acteurs de la société civile – jusque-là soigneusement tenus à l’écart – d’alerter les négociateurs sur les dangers et les conséquences d’ACTA.

Malgré cette ouverture, un consensus n’a pas pu être obtenu au sein des délégations d’ACTA pour la publication d’une nouvelle version du texte à la fin du cycle de négociation de Lucerne. Une situation que la Déclaration de Berne et les autres ONG déplorent vivement, contribuant à perpétuer le culte du secret.

Le prochain round de négociation se déroulera aux Etats-Unis, à une date encore non précisée. Les délégations d’ACTA envisagent de conclure les négociations d’ici à la fin de 2010. Les ONG maintiendront la pression par différents moyens afin que les intérêts publics et ceux des pays du Sud soient mieux pris en compte, et que l’Accord ne soit pas imposé aux pays n’ayant pas pris part aux négociations.

Analyse du texte de l’ACTA