Des maladies fréquentes, et pourtant négligées
15 juin 2010
La maladie de Chagas
Provoquée par un parasite de type trypanosoma transmis par une punaise surnommée « kissing bug », la maladie de Chagas est l’équivalent sud-américain de la maladie du sommeil. Plus de 8 millions de personnes sont touchées dans 21 pays endémiques, alors que 100 millions risquent l’infection ; 14 000 personnes en meurent chaque année. La maladie de Chagas évolue suivant deux phases : l’une aiguë, souvent asymptomatique ou avec des manifestations de type grippal, et une phase chronique, silencieuse ou avec complications cardiaques et/ou digestives. Durant la phase aiguë, les enfants sont particulièrement à risque, et la maladie est transmissible dans sa phase chronique (transfusion de sang, transmission mère-enfant). Cette maladie parasitaire est la plus létale en Amérique latine, y compris par rapport à la malaria, et représente l’une des causes majeures de cardiomyopathies infectieuses dans le monde. Deux traitements sont disponibles actuellement, vieux de plusieurs dizaines d’années, avec une efficacité et une tolérance limitées pour les malades chroniques. Les patients les plus sérieusement atteints ont besoin d’un pacemaker ou d’une transplantation cardiaque. Beaucoup meurent subitement sans même réaliser qu’ils sont atteints par la tripanosomiase américaine. Par les migrations, la maladie de Chagas a également atteint l’Europe et les Etats-Unis. Une étude menée en 2008 par les Hôpitaux universitaires de Genève a révélé que plus de 10 % des membres de la communauté latino-américaine de Genève sondés étaient porteurs de la maladie. Le développement de traitements efficaces pour la forme chronique de la maladie et une formulation adaptée aux enfants sont prioritaires.
La leishmaniose
La leishmaniose est une maladie provoquée par le parasite leishmania, transmis par la piqûre d’un moucheron. Elle menace 200 millions de personnes dans le monde, et en touche chaque année 12 millions. Il existe une forme cutanée, moins grave, et une autre viscérale (aussi appelée kala-azar), mortelle sans traitement. Présente dans quelque 80 pays, plus de 90 % des 500 000 nouveaux cas annuels de leishmaniose viscérale se concentrent dans sept pays (Bangladesh, Brésil, Ethiopie, Inde, Kenya, Népal et Soudan). Le kala-azar est caractérisé par une fi èvre prolongée, un grossissement du foie et de la rate, une perte de poids considérable et une anémie progressive. Les options thérapeutiques sont insatisfaisantes, basées soit sur d’anciens médicaments peu efficaces et toxiques ou des médicaments plus récents mais présentant d’autres désavantages (voie d’administration et durée de traitement, coût notamment). La thérapie combinée prônée actuellement permet d’augmenter l’efficacité du traitement et sa tolérance, de réduire son coût et de limiter les résistances du parasite aux médicaments.
La maladie du sommeil
La trypanosomiase humaine africaine, ou maladie du sommeil, est causée par un parasite transmis par la mouche tsé-tsé. Endémique en Afrique subsaharienne, menaçant 60 millions de personnes, la maladie du sommeil est mortelle lorsqu’elle n’est pas soignée. Entre 50 000 et 70 000 personnes seraient touchées aujourd’hui (les estimations de l’OMS vont jusqu’à 500 000), concentrées majoritairement dans sept pays. La République démocratique du Congo comptabilise à elle seule deux tiers des cas signalés. La maladie du sommeil se développe en deux temps, avec un premier stade ne présentant pas de symptômes spécifiques (beaucoup de personnes atteintes ne sont ainsi pas diagnostiquées), et un deuxième, caractérisé par la pénétration du parasite dans le système nerveux central. Le tableau clinique du malade chronique est dominé par des perturbations du cycle du sommeil et des troubles neuropsychiatriques, parfois avec paralysie. Le traitement le plus fréquent et le plus ancien est à base d’arsenic, avec une posologie lourde (injections fréquentes à intervalles courts) et des effets secondaires pouvant mettre en danger la vie du patient. Une seule molécule a été homologuée durant les cinquante dernières années, un anticancéreux avec une posologie encore plus astreignante que le traitement connu. Un nouveau traitement (le premier depuis vingt-cinq ans), développé dans le cadre du partenariat public-privé Drugs for Neglected Disease Initiative (DNDi) et lancé en 2009, combine ce dernier avec une substance utilisée contre la maladie de Chagas. Moins toxique et moitié moins cher, il permet d’alléger – et donc d’étendre à différents contextes – son administration.