L’échange automatique d’informations entre autorités fiscales est l’un des buts de l’OCDE
29 janvier 2010
Les propos de Jeffrey Owens font écho à une déclaration du secrétaire du Trésor britannique Stephen Timms, qui appelle lui aussi de ses vœux l’adoption à l’échelle internationale du standard de l’échange automatique, tout en notant qu’il reste « un long chemin » à parcourir avant d’y parvenir Ces déclarations sont encourageantes en ce qu’elles laissent prévoir à terme une adaptation des standards de l’OCDE en matière de coopération fiscale (*), intégrant le principe de l’échange automatique d’information que la Suisse refuse, pour l’instant, d’adopter.
Les 26 et 27 janvier, le comité des affaires fiscales et le Comité pour l’assistance et le développement (CAD) de l’OCDE ont siégé en commun pour la première fois de l’histoire de l’organisation internationale. Cette réunion a abouti à une déclaration commune, affirmant l’importance de la lutte contre l’évasion fiscale des pays en développement. Celle-ci a été présentée le 28 aux représentants de la société civile invités au forum mondial sur le développement, parmi lesquels se trouvaient de nombreux représentants d’ONG membres du Tax Justice Network (TJN), dont notamment le responsable de la politique financière de la Déclaration de Berne (DB). Selon les déclarations faites dans ce forum, l’OCDE entend faire profiter les pays du Sud des avancées réalisées dans la lutte contre l’évasion fiscale accomplie au Nord. Elle compte étudier la conclusion d’un traité multilatéral sur l’échange de renseignement ouvert aux pays en développement. Une étude sur le principe de la comptabilité pays par pays, destiné à freiner l’évasion fiscale des multinationales sera également lancée – et l’on peut se réjouir au passage de la notoriété certaine ainsi conférée à un projet soutenu de longue date par la Déclaration de Berne, et lancé par le TJN. Enfin, des projets d’assistance visant à renforcer les administrations fiscales des pays du Sud devraient être lancés ou soutenus ces prochaines années. Ces projets sont présentés par l’OCDE comme un préalable indispensable à la généralisation de l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales.
D’un côté, ces engagements sont décevants : dans une prise de position commune [PDF à télécharger ci-dessous], les ONG demandent que l’échange d’information avec les pays du Sud soient l’un des critères adopté par le comité fiscal de l’OCDE pour juger de la qualité de la coopération fiscale de ses différents membres durant le processus d’évaluation par les pairs destiné à mesurer les progrès accomplis en matière d’échange d’information depuis l’élaboration des fameuses listes noires, grise et blanches. Elles demandent également que les représentants de la société civile soient intégrés à ce processus d’évaluation. Sur ces points, il n’a pas été possible d’obtenir d’engagement de l’organisation internationale. Le risque existe donc que les progrès accomplis en 2009 dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale ne soient guère effectifs pour les pays du Sud. L’insistance de certains gouvernements et des représentants de l’économie à faire du développement des administrations fiscales des pays en développement un préalable à toute extension de l’échange d’information – il est, bien sûr, notoire qu’aucune administration fiscale d’un pays pauvre ne saurait utiliser correctement une liste de contribuables disposant d’un compte à Jersey ou en Suisse ! – sonne, à certains égards, comme la remarque du père qui entend n’autoriser son fils à aller à la piscine que lorsqu’il sait nager.
A d’autres égards, les engagements de l’OCDE sont plus encourageants. Le positionnement de J. Owens en faveur de l’adoption par l’organisation internationale du standard de l’échange automatique d’informations fiscales, entre autres, laisse espérer un durcissement progressif des mesures internationales destinées à réprimer l’évasion fiscale. S’il était adopté et accordé aux pays en développement, ce principe permettrait de prendre des mesures plus efficaces pour lutter contre l’évasion fiscale internationale, et il constituerait une étape décisive dans la lutte contre la fuite des capitaux dont les pays du Sud sont victimes. Et à terme, les autorités suisses seraient forcées de faire tomber les multiples barrières qu’elles s’efforcent actuellement d’ériger pour restreindre autant que possible les cas où elles doivent échanger des informations avec d’autres administrations fiscales.
(*) L’OCDE édite un modèle standard de convention de double imposition (CDI), dont l’article 26 règle les modalités d’échange international de renseignement entre autorités fiscales. Rappelons que jusqu’en 2009, les autorités suisses refusaient de signer des CDI conformes au standard de l’OCDE, puisque celui-ci les aurait obligé à délivrer des informations couvertes par le secret bancaire à une administration étrangère soupçonnant l’un de ses contribuables d’évasion fiscale en Suisse. Mise sous pression internationale, le Conseil fédéral a accepté le 13 mars 2009 d’amender ses CDI et d’y intégrer le principe de l’échange d’informations fiscales à la demande. Pas moins de dix-sept CDI helvétiques ont ensuite été révisées, et l’OCDE a annoncé en septembre 2009 que la Suisse était retirée de la fameuse « liste grise » sur laquelle figuraient jusqu’alors les pays jugés insuffisamment coopératifs en matière de répression de la fraude fiscale. Les conventions ainsi révisées doivent toutefois encore être soumises au Parlement suisse avant d’entrer en vigueur. Les autorités suisses se sont efforcées de restreindre autant que possible les cas de figure où elles sont disposées à échanger des informations fiscales, en assortissant toute demande d’information de conditions sévères. Une loi sur l’échange d’informations destinée à verrouiller davantage encore les conditions de cet échange est en outre en préparation. Pour l’instant, aucun pays en développement n’a conclu de CDI conforme au modèle de l’OCDE avec la Suisse.