Les pays du Sud au sein de l’OMC
1 novembre 2005
L’OMC prévoit certes un «traitement spécial et différencié» des pays pauvres. Mais il signifie seulement que des délais plus longs leur sont accordés pour appliquer les décisions prises. Le modèle et les principes de l’OMC ne sont jamais remis en cause.
Tout le monde veut aller à l’OMC
Sur les 148 membres de l’OMC, plus de 100 sont des pays en développement et 19 autres pays pauvres négocient actuellement leur adhésion.
Les gouvernements du Sud n’ont guère le choix. Le commerce international étant incontournable, ils peuvent difficilement renoncer à faire partie de l’organisation qui en fixe les règles. De plus, une adhésion est vue comme une façon d’accéder à de nouveaux marchés et d’attirer davantage d’investissements. Les pays riches poussent également les bénéficiaires de leur aide au développement à devenir membres de l’OMC et à entreprendre les réformes qu’elle prône.
Un cadre multilatéral comme l’OMC a cependant un avantage: il permet aux pays en développement de faire des alliances, et donc de modifier quelque peu les rapports de force – comme à Cancún en 2003.
Les alliances des pays du Sud
Plusieurs groupes, actifs surtout dans les négociations agricoles, réunissent des pays en développement.
Les principaux sont les suivants1:
- le G20 regroupe une vingtaine de pays en développement (surtout des pays émergents). Mené par le Brésil et l’Inde, c’est un des groupes les plus importants depuis Cancún. Il exige surtout le démantèlement des subventions à l’exportation sur les produits agricoles du Nord.
- le G33 compte une quarantaine de pays en développement. Il demande que les pays pauvres puissent exclure des négociations des produits «spéciaux», qui touchent à la sécurité alimentaire de la population et au développement rural.
- le G90 est subdivisé en groupe des PMA (pays les moins avancés), groupe africain et groupe des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Exportateurs d’un nombre limité de produits agricoles, ils sont souvent très dépendants des marchés du Nord. Ils craignent qu’une nouvelle diminution des droits de douane remette en cause les accords bilatéraux ACP-Union européenne, qui leur accorde un accès préférentiel aux marchés européens pour des produits tels que la banane ou le sucre.
Deux porte-parole?
Ces groupes ont contribué à modifier le rapport de force au sein de l’OMC. Les leaders du G20, le Brésil et l’Inde, font même partie depuis l’an dernier du club qui tire les ficelles des négociations en forgeant les prédécisions lors de réunions informelles. Il s’agit du FIPS (Five Interested Parties) qui compte aussi l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Australie. Il a préparé l’accord-cadre auquel sont parvenus les membres de l’OMC en juillet 2004 à Genève2.
Cette intégration du Brésil et de l’Inde dans le noyau des prédécideurs constitue-t-elle une chance pour les pays pauvres? Le Sud (comme le Nord d’ailleurs) est hétérogène, tous n’ont pas les mêmes craintes, les mêmes revendications. Quel équilibre trouveront ces deux «géants» du Sud entre la défense de leurs propres intérêts et l’appui aux revendications communes des pays en développement? L’avenir le dira.
Notes:
1) Les autres grands «blocs» dans les négociations sont les Etats-Unis, l’Union européenne, le groupe de Cairns (exportateurs agricoles du Sud et du Nord) et le G10 (dont la Suisse fait partie, très défensif sur l’aide interne à l’agriculture).
2) En 2005, ce groupe s’est élargi, intégrant aussi la Suisse (qui s’était plainte d’en être exclue), le Japon, le Canada, l’Argentine, la Chine, la Malaisie, le Bénin, l’Indonésie et la Corée. La composition varie, mais ce qui ne change pas, c’est le flou dans lequel les autres pays sont laissés.