UBS: pas de morts pour du charbon
19 décembre 2007
Avec 11,6% de parts, UBS est le deuxième plus gros actionnaire de la firme anglaise GCM Resources, qui prévoit d’exploiter le charbon de Phulbari. Crédit Suisse en possède 3,66%. Les habitants de la région, au nord-ouest du Bangladesh, s’opposent au projet car il les menace directement pour les raisons suivantes:
- GCM Resources projette de creuser une mine à ciel ouvert alors que les veines de charbon se trouvent entre 140 et 300 mètres sous terre. De plus, la région est située dans l’une des régions les plus fertiles du pays et relativement épargnée par la mousson et les inondations.
- Les estimations officielles de GCM prévoient le déplacement de 43 000 des 50 000 personnes directement concernées.
- Selon un comité d’experts mandaté en 2005 par le gouvernement du Bangladesh de l’époque, ces chiffres sous-estiment de loin la situation réelle. Selon ces experts, 130 000 personnes devraient être déplacées avant que l’exploitation puisse commencer. De plus, 220 000 personnes seraient touchées par l’abaissement du niveau des nappes phréatiques qui sera indispensable pour prévenir l’inondation de la mine.
- L’exploitant ne prévoit pas de mesure efficace pour éviter la diffusion de produits toxiques par effet de lessivage ou la contamination des sols et de l’eau pendant les 35 ans prévus de fonctionnement de la mine. Roger Moody, expert de l’industrie minière, précisequ’«il est extrêmement coûteux d’éviter la contamination par lessivage, l’«Acid mine drainage», et de diminuer les effets négatifs dans une mine à ciel ouvert de cette dimension. Les substances toxiques continueront probablement de contaminer les sols, les rivières et les ruisseaux durant des décennies après la fermeture de la mine.
- Le charbon de Phulbari est principalement destiné à l’exportation. Il ne servira que dans une moindre mesure aux besoins énergétiques du Bangladesh.
- Il est prévu de construire un nouveau port pour expédier le charbon. Le site serait aménagé sur une zone inscrite à l’UNESCO: la forêt de mangrove du Sundarbans, l’une des trois plus grandes au monde et l’un des derniers habitats naturels du tigre.
- De manière générale, l’utilisation de charbon dégage de grandes quantités de CO2. Le Bangladesh se trouve déjà dans une situation écologique des plus délicates à cause du réchauffement climatique, il n’a pas besoin d’en subir davantage les effets à cause de l’exportation du charbon.
- Grâce à ses nombreuses filiales, GCM Resources pourrait aisément faire transiter ses revenus via Singapour, par exemple, privant le Bangladesh des bénéfices fiscaux de cette exploitation.
Les poupées russes
Le gouvernement du Bangladesh a initialement accordé une licence d’exploration à la firme autrichienne BHP Minerals. Celle-ci s’est toutefois prononcée contre le développement d’un projet d’industrie minière dans la région. La licence est ensuite réattribuée en 1999 à Asia Energy Corporation (Bangladesh) Ltd. L’entreprise Asia Energy PLC est fondée en 2003 à Londres. Elle reprend 100% du capital d’Asia Energy Corp. En 2007 elle change encore deux fois de nom, tout d’abord pour s’appeler Global Coal Management, puis enfin GCM Resources. Après UBS et Crédit Suisse, ses actionnaires majoritaires sont Polo Resources Ltd, Fidelity Group, le Hedge Fund RAB Capital, la banque anglaise Barclays Bank, L-R Global, Ospraie Management LLC, Capital Group ou encore Argos Greater Europe Fund.
Une forte résistance
En août 2006, une manifestation civile de 50 000 personnes a été réprimée dans le sang par des brigades paramilitaires. Cinq personnes sont mortes et plus de 100 femmes, hommes et enfants ont été blessés. Les bureaux locaux de GCM ont ensuite été ravagés et leurs employés ont dû fuir Phulbari. La résistance contre le projet persiste dans la région bien que depuis 2007 les libertés individuelles aient été suspendues et les réunions de plus de cinq personnes interdites par l’état d’urgence au Bangladesh. Mais la population est déterminée, comme le souligne l’un des manifestants blessés dans les affrontements de 2006 lors d’une autre manifestation : «Nous donnerons nos vies s’il le faut, mais pas le charbon». Au niveau national, l’opposition au projet est coordonnée par le National Committee to Protect Oil, Gas, Mineral Resources and Ports (NC), dont le secrétaire général, Prof. Anu Muhammad, a été menacé de mort. Toutefois, ni ces menaces, ni la torture publique subie par M. Nuruzuman, le représentant local du NC à Phulbari, n’ont pu venir à bout de la résistance des organisations locales et nationales.
Cette situation explosive a poussé les protestataires à envisager une autre option que la confrontation directe: faire pression sur les actionnaires de GCM Resources. En automne 2007, les personnes concernées par le projet de Phulbari se sont ainsi tournées vers le réseau BankTrack et la Déclaration de Berne pour obtenir un soutien. Etant donné que Phulbari est le seul grand projet de GCM Resources, elles demandent aux banques engagées dans le capital de GCM de vendre leurs parts de la société.
A la fin mars 2008, la Banque asiatique de développement (BAD) a subitement annoncé, par l’intermédiaire de son directeur de la division du secteur privé, Robert Bistani, son retrait du projet de Phulbari. Le conseil d’administration de la BAD avait pourtant prévu de se prononcer sur un crédit de 100 millions de dollars ainsi qu’une garantie de risque de 200 millions de dollars le 3 juin. Un tel geste démontre à quel point ce projet de la société britannique GCM Resources ne respecte pas les normes écologiques et sociales.
Les bailleurs de fonds de GCM Resources se retrouvent une fois encore pointés du doigt. En réponse à une lettre de la DB et de ses organisations partenaires envoyée l’année dernière, UBS et Credit Suisse ont précisé qu’une part non spécifiée des actions de GCM était mise à disposition des clients. Mais de telles excuses n’autorisent pas les banques à se soustraire à leurs responsabilités. Elles ont appris à travers les débats autour des fonds des dictateurs et de blanchiment d’argent que tous les clients ne sont pas acceptables. De la même manière, une banque ne doit pas traiter avec des entreprises douteuses, quand bien même elle n’agirait que comme intermédiaire.