Crise climatique au Palais fédéral
Christa Luginbühl, 24 septembre 2020
Ces derniers jours ont été un peu trop agités pour la paisible capitale fédérale: sous la devise «Debout pour le changement», les activistes du climat s’y sont réunis en masse et ont investi la Place fédérale, rapidement rebaptisée «Place du climat». Et surtout: ils sont restés.
Cette occupation a déclenché une certaine irritation sous la Coupole fédérale. En tant qu’élu∙e du peuple, doit-on vraiment parler avec les jeunes, désormais? Ou est-ce que s’associer à ce mouvement est au contraire un acte répréhensible? Pour le conseiller national PLR Hans-Peter Portmann, aucun doute: il faut lancer une enquête pénale. Il croit déceler une influence étrangère illicite et espère que le Service de renseignement de la Confédération s’est rendu sur place pour «collecter des informations».
Mais l'image d’une occupation chaotique et illégale ne correspond pas à ce qui s’est vraiment passé sur la Place fédérale, où un groupe d’activistes du climat parfaitement informé et organisé est venu exprimer en des termes incisifs des revendications claires, en manifestant sans violence ni déprédations.
Certains semblent presque regretter l’absence d’agitateurs extrémistes qui auraient justifié une intervention des forces de l’ordre.
Une évacuation aurait alors probablement été ordonnée en plein jour. Mais dans ces circonstances, d’innombrables policiers et policières ont dû travailler de nuit pour permettre aux parlementaires de boire leur café du matin tranquillement, sans que les chants des jeunes activistes ne les importunent.
Nous devons en parler, et agir
La Place fédérale est à nouveau vide, le calme et la légalité ont repris leurs droits. Mais tout n’est pas si simple: certaines choses sont certes légales mais complètement illégitimes. Par exemple, le fait que Lonza pollue les sols valaisans depuis des années avec ses déchets toxiques, et veuille aujourd’hui que les énormes coûts d’assainissement soient à la charge de l’État.
Et puis il y a des choses qui sont certes contraires à la loi, mais tout à fait légitimes. Comme la désobéissance civile, à laquelle le mouvement du climat a choisi de recourir en toute connaissance de cause et qui est «une forme de participation politique».
Les activistes du climat ne veulent pas lancer des émeutes ni semer le trouble, mais qu'on écoute leurs revendications politiques, sans plus attendre.
Le temps presse et ne permet plus de se lancer dans des processus de longue haleine telle qu'une initiative populaire, par exemple, avec laquelle certain∙e∙s parlementaires aimeraient duper les activistes. Fort heureusement, le mouvement compte beaucoup de jeunes (et de moins jeunes) engagés pour le climat, qui participent activement aux débats et cherchent des solutions pour sortir de la crise. Aucun doute: le climat va encore se réchauffer sous la coupole du Palais fédéral, car la crise climatique ne se balaie pas si facilement.
«La Berne fédérale n’a-t-elle vraiment rien de mieux à offrir que la politique de l’autruche?!»
Christa Luginbühl travaille depuis plus de dix ans pour Public Eye. Membre de la direction, elle est spécialisée en droits humains, droits des femmes et droits du travail sur les chaînes d’approvisionnement mondialisées, en particulier dans les domaines de l’industrie pharmaceutique, de l’agriculture, de la consommation et du négoce de matières premières agricoles.
Contact: christa.luginbuehl@publiceye.ch
Ce texte est une traduction de la version originale en allemand.
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