Rapport contradictoire sur les matières premières: aucune mesure malgré la nécessité d’agir
Le postulat a été déposé par Anne Seydoux-Christe, alors députée PDC au Conseil des États. Dans son exposé des motifs, elle se réfère au rapport 2015 sur l'évaluation nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (p.123): «le secteur du négoce de matières premières présente pour la Suisse un risque de servir de plateforme pour blanchir des valeurs patrimoniales issues d'actes de corruption commis à l'étranger dans des pays d'extraction dans le but d'obtenir des marchés».
Malgré cette analyse, le Conseil fédéral n'avait alors pas jugé nécessaire d'introduire de nouvelles mesures. Il a, au contraire, continué à reprendre à son compte l’argumentation des banques et du secteur des matières premières: les transactions des sociétés de négoce seraient indirectement contrôlées par les banques qui les financent. Son rapport mentionné précédemment indiquait, par exemple, que le risque de blanchiment d'argent dans ce secteur est «atténué par des vérifications systématiques supplémentaires que les banques entreprennent afin de minimiser leurs risques financiers et de réputation» (p. 64).
Le postulat Seydoux a été déposé dans le sillage d’une enquête publiée en 2017 par Public Eye. Celle-ci révélait comment le négociant en matières premières Gunvor a obtenu des contrats pétroliers en République du Congo par le biais d’intermédiaires et de paiements de nature corruptive. L'année dernière, le Ministère Public de la Confédération a condamné cette société basée à Genève. En raison de graves lacunes dans son organisation interne, Gunvor a dû payer une amende de 4 millions de francs et verser près de 90 millions de francs de créances compensatrices. Ce cas a montré de manière claire que les banques créancières du négociant s’étaient révélées incapables de détecter et d’empêcher les transactions illicites.
Dans cette analyse, Public Eye approfondit les aspects suivants du rapport du Conseil fédéral:
- La corruption en tant qu’infraction principale constitue le plus gros risque de blanchiment dans le négoce des matières premières.
- L'efficacité de la «surveillance indirecte» des banques n'a jamais été démontrée de façon convaincante.
- Des informations importantes manquent et des problèmes graves sont ignorés.
- Les mesures stériles proposées par le Conseil fédéral sont en contradiction flagrante avec les constats énoncés.
Plus d'informations
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Risque de corruption identifié
Dans son rapport en réponse au postulat Seydoux, le Conseil fédéral reconnait de manière claire le risque élevé de corruption auquel est exposé le secteur du négoce de matières premières. Le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) fournit des chiffres impressionnants à ce propos : au cours des dix dernières années, plusieurs milliers de transactions suspectes en lien avec le négoce ont été signalées. Les deux grands scandales internationaux de corruption impliquant les compagnies pétrolières brésiliennes et vénézuéliennes (Petrobras et PDVSA) ont, à eux seuls, donné lieu à plus de 1'500 signalements entre 2015 et 2018. Pour ce rapport, le MROS a évalué un échantillon de 367 communications sur des transactions suspectes liées au négoce entre 2016 et 2018 (sans tenir compte des cas Petrobras, PDVSA et autres « affaires de laundromats »). Celles-ci portaient sur environ 1,1 milliard de francs.
Les résultats parlent d'eux-mêmes : dans un peu plus de la moitié des cas d'activités suspectes (53%), la corruption présumée était l'infraction principale préalable au blanchiment d'argent (deux fois plus fréquemment que pour l’ensemble des cas considérés au cours de la même période). Une société suisse était impliquée dans 30% de ces cas. Selon le rapport, le MROS a identifié le négoce des combustibles fossiles comme étant particulièrement risqué, représentant 85% des échantillons examinés. Le Conseil fédéral indique également que « les négociants en matières premières sont exposés à des risques de corruption élevés » (p.7).
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La « supervision indirecte » est inefficace
Le rapport indique clairement qu'il est très difficile pour les banques suisses de détecter les transactions de nature corruptive dans le négoce. L'analyse du MROS démontre que la plupart des signalements de transactions suspectes sont déclenchés par des sources externes (rapports d'ONG, articles de presse). Dans plus de la moitié des cas, la relation d'affaires avait déjà pris fin au moment de la communication. Seuls neuf des 367 communications adressées au MROS concernaient des « sociétés de négoce opérationnelles ». « Parmi ces neuf cas, un seul a été signalé par l’intermédiaire financier qui finançait les opérations commerciales de son client. On voit ainsi à quel point les soupçons de blanchiment d’argent en lien avec le négoce de matières premières sont rarement signalés par les établissements bancaires qui financent les activités de négoce de leurs clients ». (p. 16)
Deux tiers des déclarations de soupçon concernaient des personnes morales (41 % de sociétés de domicile contre 24 % de sociétés ayant des activités d’ordre opérationnel - ces dernières ne sont elles-mêmes pas toujours actives dans le négoce de matières premières). Outre les sociétés de conseil et les sociétés fiduciaires, le rapport mentionne des sociétés immobilières et des caisses de pension, « dans lesquelles sont investis des profits soupçonnés d’être d’origine criminelle, le plus souvent de faits de corruption, lesquels auraient été engrangés dans le cadre d’activité de négoce de matières premières ». (p. 8) En outre, des sociétés de négoce de matières premières réellement enregistrées comme opérationnelles se sont présentées comme de simples sociétés de domicile. Le Conseil fédéral en conclut que « la place financière suisse, étant donné la taille du secteur, est particulièrement exposée au risque de blanchiment d’argent lié au négoce de matières premières, tant à travers ses banques qu’à travers les négociants établis en Suisse » (p. 9).
Selon le rapport, les banques suisses doivent relever de multiples défis pour identifier les cas suspects : le négoce de matières premières génère des structures financières complexes impliquant un grand nombre de participants dans différentes juridictions. Le nombre élevé des échanges et les montants très importants impliqués facilitent la dissimulation de pratiques commerciales illégales. Les écarts minimes – mais néanmoins abusifs – par rapport au prix du marché sont à peine perceptibles. Par ailleurs, les banques n'ont souvent pas accès aux informations pertinentes relatives aux activités de négoce de matières premières, notamment à celles nécessaires pour remplir les obligations de diligence raisonnable en vertu de la loi sur le blanchiment d'argent. Cela s'applique en particulier au financement du négoce non transactionnel.
L'analyse du Conseil fédéral montre ainsi que la surveillance indirecte par les banques ne peut pas réduire de manière adéquate le risque de blanchiment d'argent et de corruption dans le négoce de matières premières.
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Informations manquantes et problèmes ignorés
Des informations importantes font également défaut dans l’analyse. Certaines problématiques centrales, qui renforceraient les conclusions du rapport, ne sont guère ou pas du tout abordées.
Données manquantes fournies par Public Eye
Le rapport ne fournit pratiquement aucune donnée nouvelle - seules les analyses des rapports de communications suspectes au MROS sont inédites et significatives. Le Conseil fédéral ne répond pas à une demande pourtant claire du postulat : donner « une estimation du pourcentage d’opérations de négoce effectuées depuis la Suisse qui font l’objet d’un financement bancaire ». Il se contente d'une estimation de l'Association des banquiers de 2013 sur le financement du négoce et d'une estimation d'une société de conseil de 2017 sur le financement du crédit.
Public Eye a analysé les données fournies à notre demande par la société de recherche néerlandaise à but non lucratif Profundo. Ces chiffres sont basés sur des recherches approfondies dans des bases de données spécialisées.
Premier constat : les cinq grandes maisons de négoce suisses, Glencore, Trafigura, Vitol, Mercuria et Gunvor, ont levé conjointement 367,8 milliards de dollars entre 2013 et 2019. Les banques suisses ont participé à hauteur de 4,7% ; le reste provenant d’établissements internationaux. Dans ces cas, il est clair que la « surveillance indirecte » des banques soumises à la réglementation suisse ne peut pas s’appliquer (sauf si elles exercent leurs activités par l'intermédiaire de succursales helvétiques).
Deuxième constat : la poussée des places émergentes. En termes de prêts, les banques singapouriennes, DBS en tête, ont déjà devancé les banques suisses en tant que principaux partenaires des grands traders : 18,6 milliards de dollars contre 17,3 milliards ces six dernières années. Les établissements chinois et émiratis ouvrent également les vannes du crédit avec, conjointement, plus de 21 milliards de dollars de liquidités.
Troisième constat : les banques des juridictions moins réglementées jouent un rôle majeur. Avec près de 11,4 milliards de dollars en 2016, la banque russe VTB, contrôlée à 60 % par le Kremlin, est le principal prêteur de Glencore. Il s'agissait à l'époque d'acheter et de revendre des actions du géant pétrolier russe Rosneft. En comparaison, les établissements UBS et Credit Suisse n’ont prêté « que » 2,88 et 2,35 milliards de dollars à Glencore depuis 2013. Parmi les partenaires en eaux troubles, citons encore la Banque centrale de Libye, qui travaille avec quatre des cinq grands négociants helvétiques. Ou la montée en puissance des banques mauriciennes, connues pour leur opacité.
Ces prêts sont des prêts-cadres, dont certains sont syndiqués auprès d'un grand nombre de banques. Les négociants en matières premières sont entièrement libres de décider quel usage ils en font. Les banques ne sont par conséquent pas en mesure d'estimer les risques de corruption des transactions individuelles. À cela s'ajoute la part élevée de banques qui ne sont pas soumises à la réglementation suisse et dont certaines sont situées dans des oasis réglementaires.
Transactions sans passer par les banques
Les sociétés de négoce de matières premières peuvent aussi se passer entièrement des banques, par exemple dans les « swaps », c’est-à-dire lorsque le pétrole brut est échangé contre des produits raffinés. Les swaps ne nécessitent aucun crédit bancaire et le concept de « supervision indirecte » ne s’applique pas non plus dans ce cas de figure. Seuls Glencore et Trafigura fournissent chaque année des informations sur ces opérations, qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars. Coté en bourse, le groupe Glencore fournit des données agrégées. Ces cinq dernières années, il a échangé pour quelque 3 milliards de dollars de pétrole brut. Trafigura ne communique que sur ses opérations de swaps avec les pays membres de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Soit uniquement le Nigeria, dans le cas présent. Depuis 2013, le négociant a reçu pour 5,5 milliards de dollars de brut et a livré au Nigeria pour près de 3 milliards d’essence et de kérosène. Etonnant, quand on se souvient que Trafigura avait annoncé, fin 2014, avoir mis fin à ses swaps avec la compagnie pétrolière d’État nigériane.
Les négociants qui jouent le rôle des banques
Ces dernières années, les grandes sociétés de négoce de matières premières ont également développé de véritables activités bancaires. Cela aggrave le problème : non seulement il n'y a pas de surveillance indirecte par des intermédiaires financiers réglementés, mais les négociants en matières premières remplissent les mêmes fonctions que les banques, sans toutefois être soumis à la réglementation. Cela s'applique aux préfinancements accordés aux entreprises d’État dans les pays producteurs ainsi qu’aux prêts à d'autres sociétés de négoce de matières premières.
Le rapport du Conseil fédéral affirme que « les opérations préfinancées sont globalement marginales » dans le secteur du négoce des matières premières. Ce caractère marginal est pourtant contredit par un important représentant du secteur du négoce des matières premières. Trafigura écrit en effet, dans sa brochure intitulée « Prepayments Demystified » (2020) que ces opérations sont « more essential than ever » (p. 4) - plus essentielles que jamais.
Or la pratique des préfinancements ne peut en aucun cas être qualifiée de marginale étant données les montants en jeu. La somme des deux prêts octroyés par Glencore au Tchad en 2013 et 2014 sous la forme de préfinancements frôle en effet les 2 milliards de dollars. Le montant des préfinancements octroyés par Trafigura a atteint la somme vertigineuse (et en augmentation fulgurante depuis 2013) de 5 milliards de dollars en 2019. Un manque évident de transparence accompagne ces transactions, tant du côté des pays producteurs dont les gouvernements indiquent rarement de quelle manière ils ont été contractés, et ne fournissent pas non plus de détails sur l’utilisation de ces fonds, que du côté des sociétés de négoce, qui effectuent ces opérations en position de force, en bénéficiant de conditions financières très favorables au détriment des pays producteurs. En plus d’être opaques, la pratique des préfinancements tend ainsi à fragiliser les économies des pays riches en ressources naturelles, en maintenant leur niveau d’endettement très élevé ou pire, en l’accroissant, notamment en raison du fardeau que représentent les intérêts liés à ces prêts.
Public Eye a notamment révélé comment les préfinancements octroyés par Gunvor au gouvernement de la République du Congo ont contribué au détournement des recettes pétrolières congolaises. L’affaire Gunvor montre de façon flagrante que la supervision indirecte par les banques n’est d’aucune efficacité. Non seulement parce que la banque qui avait accordé une partie des préfinancements n’a pas stoppé les opérations problématiques, mais aussi parce qu'une partie des préficancements provenaient directement des fonds propres du négociant, échappant ainsi à toute hypothétique « supervision indirecte ».
Les négociants en matières premières peuvent également remplacer les banques s'ils financent d'autres sociétés actives dans le négoce de matières premières. Marco Dunand, directeur opérationnel de Mercuria, a confirmé cette tendance au journal Le Temps en 2018 : « Nous avons accès à des milliards de lignes de crédit qui nous permettent de financer nos propres transactions et, sous certaines conditions strictes, celles de tiers ». Ces « conditions strictes » ne sont pas décrites plus en détail, mais elles sont plus lâches que celles qui s’appliquent aux banques, les négociants n’étant pas soumis à une autorité de surveillance ou à une législation.
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Mesures inefficaces, propositions stériles
Le rapport contient un chapitre sur les « Autres mesures et instruments de prévention » suggérant que le Conseil fédéral est conscient de l’inefficacité de la surveillance indirecte des banques au vu des risques reconnus.
Or la mise à jour d'une brochure du SECO (« Prévenir la corruption ») peut difficilement être qualifiée de mesure préventive efficace. D'autres mesures évoquées sont soit inefficaces pour le négoce de matières premières, soit n'ont rien à voir avec la corruption.
Le rapport mentionne la « transparence des paiements aux gouvernements » comme un instrument important dans la « lutte contre le blanchiment et la corruption » (p.13). Pourtant, le Conseil fédéral et le Parlement ont délibéremment choisi de ne pas soumettre le négoce des matières premières à cet instrument important. Le Parlement a au moins donné au Conseil fédéral le pouvoir de corriger cette erreur à l'avenir au travers d'une norme de délégation, pour autant que d'autres centres internationaux de négoce avancent dans cette direction. Dans son rapport, le Conseil fédéral aurait dû au moins indiquer les mesures qu'il entreprend pour garantir une approche coordonnée au niveau international afin de soumettre les négociants en matières premières à des obligations de transparence... Plutôt que de mentionner une mesure qui - en l’état et à sa propre demande - ne s'applique pas au négoce.
Afin de donner l'impression qu'une lutte efficace contre la corruption dans le négoce est déjà menée, le Conseil fédéral liste des exemples non pertinents. Le Conseil fédéral cite par exemple, à titre préventif, les « Lignes directrices pour la mise en œuvre des principes de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme ». Un bémol, toutefois : ce guide ne vise absolument pas à lutter contre la corruption ; le sujet n'y est même pas mentionné. Public Eye en sait quelque chose : nous avons participé à son élaboration.
Bien que le Conseil fédéral identifie la corruption dans le négoce des matières premières comme une infraction principale au blanchiment d'argent, et qu'il soit tout à fait clair, entre les lignes, qu'il n'y a pas de surveillance indirecte efficace, aucune mesure convaincante n’est proposée.
Le Conseil fédéral ajoute plutôt que le droit applicable est conforme aux normes internationales, et que la Suisse joue un rôle pionnier dans la mise en œuvre des normes internationales de lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent. Le Conseil fédéral ne reconnaît donc pas qu’au-delà des éloges, il fait aussi l’objet de nombreuses critiques dans le cadre des examens par pays du Groupe d’action financière (GAFI), du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et de l'OCDE.
Les lacunes identifiées par le GAFI dans les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent ont conduit à placer la Suisse dans le processus dit de « suivi renforcé », et le Conseil fédéral a soumis au Parlement une proposition de révision de la loi sur le blanchiment d'argent. Au cours du dernier examen, le groupe de travail de l'OCDE sur la corruption a notamment critiqué le manque de protection pour les lanceurs d’alerte et l'absence de sanctions suffisamment dissuasives en lien avec la responsabilité pénale des entreprises. Dans son présent rapport, le Conseil fédéral a notamment décrit celle-ci comme un moyen de dissuasion efficace pour prévenir la corruption et le blanchiment d'argent, contredisant ainsi les conclusions du rapport de l'OCDE.
Cinq nouvelles mesures sans mordant
Dans la première des cinq nouvelles « mesures », le Conseil fédéral se contente d’espérer que tous les acteurs mettent en œuvre les « instruments juridiquement non contraignants ». Le seul exemple est la ligne directrice susmentionnée, qui n'a rien à voir avec la lutte contre la corruption.
Les quatre autres mesures n'apportent rien de plus convaincant. D'autres lignes directrices volontaires – cette fois-ci sur la corruption – doivent être élaborées. Tout d'abord, il convient de souligner qu'il existe déjà un certain nombre de recommandations de ce type, comme le guide des bonnes pratiques de l'OCDE ou les règles anticorruption de la Chambre de commerce internationale. Il est toutefois évident que ces recommandations ne sont pas mises en œuvre sur une base volontaire. Du côté des banques, le système de déclaration des transactions suspectes devrait être revu et adapté « au besoin ». Les deux dernières mesures se limitent à une participation aux discussions internationales déjà en cours.
Le simple fait que cela soit qualifié d’examen par les pays de l’OCDE est déjà piquant. Lors du dernier rapport de ce type, les autorités suisses avaient été exhortées à s’engager dans « une action répressive plus soutenue et à prendre des mesures visant à prévenir la corruption transnationale dans les secteurs identifiés les plus à risque », qui concerne « notamment le secteur des négoces des matières premières qui devrait faire l'objet d'une régulation adaptée et contraignante ».
S'il fallait davantage de preuves du risque particulièrement élevé de corruption dans le négoce de matières premières, faisons une rétrospective de l'année 2019 : sur les six plus grandes sociétés suisses actives dans le négoce de matières premières, une (Gunvor) a été condamnée pour corruption, les bureaux de deux autres (Vitol et Trafigura) ont été perquisitionnés par le Ministère public de la Confédération à la demande son homologue brésilien, et une procédure pénale a été ouverte contre une autre (Glencore) par le bureau britannique de la lutte anti-corruption (SFO). Les autorités judiciaires américaines, à savoir le ministère de la justice et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), mènent aussi des enquêtes contre Glencore pour corruption. Le Brésil et les États-Unis ont tous deux indiqué que les procédures pénales devraient être conclues cette année. Et en Suisse ? Le MPC mène également des enquêtes pénales dans le secteur des matières premières, pour l'instant contre inconnu.
Alors que le Conseil fédéral refuse une fois encore – en dépit des procédures en cours – de proposer des mesures efficaces pour prévenir la corruption dans le secteur du négoce de matières premières, le Parlement, en tant que législateur, doit agir. En proposant la création d’une autorité de surveillance du secteur des matières premières, la ROHMA, Public Eye a montré comment une telle supervision pourrait établir des règles claires et sanctionner les entreprises qui ne les respectent pas.