Politique économique extérieure
La politique commerciale et, plus particulièrement, les accords de libre-échange bilatéraux sont un pilier central de la politique économique extérieure. Comment la Suisse peut-elle définir sa politique économique extérieure pour qu’elle garantisse une politique commerciale durable et respectueuse des droits humains – et plus globalement des relations économiques extérieures tournées vers l’avenir ?
La question se pose, par exemple, de la politique commerciale à adopter vis-à-vis de produits issus du travail forcé, après que le Conseil fédéral semble s’écarter du paradigme longtemps défendu de « changement par le commerce » en raison des expériences faites avec la Chine ; et ce dans le cas concret des importations depuis la région chinoise du Xinjiang. Dans quelles conditions des restrictions commerciales (sanctions commerciales et mesures d’embargo) devraient-elles être appliquées en cas de graves violations de droits humains, et selon quelles règles ?
Car avec les régimes totalitaires, la tension entre, d’une part, les intérêts économiques et, d’autre part, la protection des droits humains et d’autres problématiques de durabilité constitue un défi particulièrement délicat.
Il est d’autant plus urgent de trouver des réponses convaincantes à cette question que les régimes autocratiques sont de plus en plus nombreux dans le monde. Il ne s’agit pas seulement de s’intéresser à la signature de nouveaux accords de libre-échange, mais aux relations économiques de la Suisse dans leur ensemble, par ex. avec la Biélorussie, la Turquie ou actuellement avec le Myanmar.
Sachant que la situation de nombreux pays s'aggrave sur le plan des droits humains, dont le cas de la population ouïghoure en Chine considéré comme un crime contre l’humanité (et donc aussi d’une violation du droit international), la Suisse doit fixer des limites claires dans ses relations économiques extérieures pour ne pas être accusée de complicité. Sur le plan environnemental, pour faire face à la crise climatique, à la perte de biodiversité et à la destruction des ressources naturelles, il faut également une réaction rapide et conséquente dans tous les domaines politiques, dont la politique commerciale ; ainsi qu’une vaste discussion sur les limites à fixer pour enrayer les dégradations environnementales.
Une stratégie sans base légale
Le Conseil fédéral a approuvé, fin 2021, une nouvelle stratégie de politique économique extérieure. Celle-ci cible toutefois exclusivement la prospérité de la population suisse et est donc axée sur les intérêts économiques propres aux pays. Cependant, dans les bases légales de la Constitution, l’article 54, al. 2 définit parmi les objectifs de la politique extérieure, outre la prospérité de la Suisse, le respect des « droits de l’homme » et la préservation des ressources naturelles ; la politique économique extérieure devrait donc s’orienter sur ces valeurs.
Les dispositions de la Constitution sont toutefois reconnues comme normativement faibles ; elles doivent être concrétisées. Il existe certes une Loi fédérale sur les mesures économiques extérieures datant de 1982, mais celle-ci est principalement constituée de règles de procédure, se limite à la protection de l’économie suisse et ne présente aucune orientation de fond pour l’élaboration d’une politique économique extérieure qui tienne compte de l’actualité.
La Suisse a besoin d’une loi sur les mesures économiques extérieures
Ce qui est important pour une loi sur les mesures économiques extérieures, c’est donc de favoriser les intérêts économiques suisses à l’étranger de façon à ce qu’ils soient en accord avec les objectifs de politique extérieure et les engagements internationaux. Les questions fondamentales sur nos relations commerciales ne devraient plus être traitées de manière ponctuelle dans le cadre de négociations sur un accord de libre-échange, mais elles devraient suivre des principes, objectifs et priorités transparents et légalement définis.
Il faudrait par exemple clarifier dans la loi sur les mesures économiques extérieures quelles conditions préalables doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de relations commerciales préférentielles, et comment de tels accords devraient être conçus pour garantir à la Suisse la marge de manœuvre nécessaire en matière de protection des droits humains. Cela pose également la question des mesures de politique économique ciblant les régimes totalitaires et des règles applicables pour les sanctions commerciales et les mesures d’embargo.
Amélioration de la transparence et légitimation démocratique
Les directives du Conseil fédéral en matière de politique économique extérieure et leur application par l’administration sont peu transparentes et se soustraient ainsi aux débats publics, notamment en ce qui concerne les relations commerciales extérieures. À la différence de l’UE, les mandats de négociation confiés au Conseil fédéral au sujet des accords de libre-échange ne sont pas publics, ce qui empêche tout débat sur leurs objectifs et priorités ainsi que sur les limites fixées. Cette opacité fait également l’objet de critiques de la part de la NZZ : « L’ère de la diplomatie secrète, dans laquelle les autorités présentent à un public pantois les résultats des négociations après de longues discussions à huis clos, est révolue. »
Au-delà des dispositions matérielles, une loi sur les mesures économiques extérieures devrait donc aussi définir les procédures de participation.
La stratégie de politique économique extérieure promet une « politique économique extérieure participative » – celle-ci doit désormais bénéficier d’une base solide. Le Parlement et la société civile doivent pouvoir influer sur la conception de la politique économique extérieure suffisamment tôt. Une meilleure participation, des processus transparents pour atteindre les objectifs et un processus décisionnel compréhensible pour traiter les objectifs conflictuels renforcent la légitimation démocratique de la politique économique extérieure.