Accès aux médicaments à l'OMC: Un compromis boîteux préjudiciable pour les pays du Sud
28 août 2003
La Déclaration de Berne considère comme préjudiciable aux pays en développement le compromis en passe d'être adopté aujourd'hui à l'OMC en matière de brevets sur les médicaments. Au lieu de favoriser l'accès aux médicaments pour tous dans les pays en développement grâce à une solution simple et facile à mettre en oeuvre pour se procurer des médicaments génériques, les négociateurs des pays industrialisés (dont la Suisse) ont oeuvré avec succès pour un compromis temporaire, compliqué et entouré de conditions lourdes. Une telle "solution" risque surtout de se révéler impraticable, c'est-à-dire en définitive d'aucune utilité pour les populations du Sud qui en auraient besoin.
Il y a deux ans, la Conférence ministérielle de l'OMC de Doha avait adopté une déclaration sur l'Accord ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce) qui demandait de trouver une solution pour autoriser les pays sans industrie pharmaceutique à importer des génériques sous licence obligatoire depuis des pays tiers. Le compromis perpétue l'inégalité entre les pays de l'OMC, puisque les pays en développement sans industrie pharmaceutique ne pourront utiliser les licences obligatoires pour importer des génériques que sous certaines conditions. "Pourquoi le Brésil peut-il demander à Roche, Abbot et Merck de réduire les prix de leurs médicaments anti-SIDA en les menaçant d'accorder des licences obligatoires, alors que des pays plus faibles comme le Guatemala, le Kenya et les Philippines ne pourront le faire qu'avec l'aval de l'OMC parce qu'ils n'ont pas les capacités de production suffisantes ? Une telle inégalité est inacceptable." déclare Julien Reinhard.
Ce compromis boîteux n'a rien d'une victoire pour les pays du Sud. Il montre surtout l'influence des grands laboratoires pharmaceutiques états-uniens, européens, japonais et suisses sur les pays industrialisés et l'incapacité de ces derniers à protéger la santé publique. De plus, il est à craindre que ce compromis ne soit utilisé pour arracher des concessions supplémentaires aux pays en développement lors de la prochaine Conférence ministérielle de Cancún.