Biopiraterie: le Zimbabwe interpelle l'Université de Lausanne
28 février 2001
Les participants se sont mis d'accord pour affirmer que le brevet détenu par l'Université de Lausanne sur un composant de la Swartzia Madagascariensis (voir communiqué de presse du 22 septembre 2000) ainsi que l'Accord sur l'accès et le partage des bénéfices des matériaux biologiques du Zimbabwe doivent être renégociés car ils sont légalement inacceptables.
Le vice-recteur de l'Université du Zimbabwe a fortement critiqué le représentant de l'Université de Lausanne pour ne pas avoir respecté les clauses de l'accord de recherche signé en 1995 entre les deux universités. L'article 5 (f) de cet accord stipule "une démarche commune pour tout dépôt de brevet". Or l'Université de Lausanne a complètement ignoré cette clause et a déposé seule un brevet sans même consulter l'Université du Zimbabwe. Bien que l'accord de recherche soit loin d'être parfait, l'Université de Lausanne n'a respecté ni l'esprit, ni la lettre de l'accord. Le comportement de l'Université de Lausanne démontre que l'accès illicite aux ressources biologiques des pays du Sud est toujours une pratique courante des universités et des entreprises du Nord.
La Community Technology and Development Trust et la Déclaration de Berne exigent que le présent accord de recherche entre les universités, qui permet l'accès aux plantes médicinales et vénéneuses du Zimbabwe, soit suspendu avec effet immédiat pour les raisons suivantes:
- L'Etat zimbabwéen n'est pas partie de cette accord, contrairement aux dispositions de la Convention sur la Biodiversité. Le représentant du Ministère de l'Environnement et du Tourisme a confirmé lors de la réunion que l'Etat du Zimbabwe était l'unique autorité légale habilitée à autoriser l'accès aux ressources biologiques zimbabwéennes.
- Les mécanismes et modalités du partage des bénéfices de l'accord contreviennent aux pratiques courantes. Il n'y a pas, par exemple, de dispositions sur un futur accord de partage des bénéfices en cas de commercialisation d'un produit.
- Dans l'accord actuel, seul l'Université du Zimbabwe est bénéficiaire, ce qui écarte les autres parties concernées telles que les guérisseurs traditionnels et l'Etat du Zimbabwe.
- Le présent accord ne contient aucun mécanisme de reconnaissance et de compensation pour l'utilisation des systèmes de savoir traditionnel.
- Il semble que l'accès aux plantes médicinales a été négocié par l'Université de Lausanne en dessous de sa valeur.
La Déclaration de Berne et la CTDT appellent le Ministère de l'Environnement et du Tourisme du Zimbabwe à prendre l'initiative et à définir un modèle d'accord sur l'accès et le partage des bénéfices. Un tel accord devrait comporter des clauses sur le "consentement préalable en connaissance de cause" (prévu par la Convention sur la Diversité Biologique), sur des conditions mutuellement consenties, sur des mécanismes de partage des bénéfices, et devraient inclure toutes les parties concernées. Afin de prévenir tout problème, le nouvel accord devrait être ouvert aux commentaires de la société civile.
En renégociant l'accès aux ressources génétiques du Zimbabwe, l'Université de Lausanne peut démontrer sa bonne volonté à parvenir à un accord équitable. Nous espérons qu'elle saura saisir cette occasion.
Background: Le 22 septembre 2000, la Déclaration de Berne, en collaboration avec l'Association des Guérisseurs Traditionnels du Zimbabwe (ZINATHA) et l'Association sur la Technologie et le Développement Communautaires (CTDT), a remis en question la manière dont l'Université de Lausanne a eu accès aux ressources génétiques du Zimbabwe et dont elle a négocié le partage des bénéfices. La Déclaration de Berne avait qualifé les agissements de l'Université de Lausanne de biopiraterie.