Essais cliniques en Egypte: Roche et Novartis enfreignent les standards éthiques
Lausanne/Zurich, 22 juin 2016
Avec ses quelque 90 millions d’habitants, un marché en pleine croissance, de bonnes infrastructures et des coûts bas, l’Egypte est la deuxième destination des multinationales pharmaceutiques pour les essais cliniques menés sur le continent africain, après l’Afrique du Sud. En février 2016, 57 tests de médicaments internationaux actifs y ont été recensés, dont plus de la moitié portent sur des anticancéreux. Roche et Novartis sont responsables de 28 d’entre eux.
L’instabilité politique depuis le printemps arabe n’a pas freiné la délocalisation d’essais cliniques en Egypte, où la moitié de la population n’est pas assurée et doit payer les traitements de sa poche. Participer à une recherche représente donc souvent la seule chance d’obtenir des médicaments vitaux pouvant coûter jusqu’à 20 fois le salaire minimum officiel. Dans de telles conditions, il est difficile de parler d’un consentement libre et éclairé, pierre angulaire des règles éthiques internationales, comme la Déclaration d’Helsinki.
Roche et Novartis affirment ne mener des essais cliniques que dans les pays où une demande d’homologation sera déposée. L’enquête de Public Eye* montre que ce n’est pas le cas en Egypte. Les pharmas suisses ne sont pas seules en cause. Sur 24 médicaments considérés, un sur trois n’a pas été homologué en Egypte après les tests, alors qu’ils le sont tous en Europe et aux Etats-Unis. Or, mener des essais cliniques dans des contextes fragiles, sans précaution spéciale et sans que le fruit de cette recherche ne soit accessible à la population qui l’a testée constitue une violation des standards éthiques. Public Eye n’a pas pu constater la présence de dispositifs de protection suffisants en Egypte, notamment en matière de continuité du traitement après l’essai. Plusieurs tests de phase précoce, plus risqués, ne semblent en outre pas faire sens et soulèvent des questions éthiques dans le contexte égyptien. Sollicitées sur ce sujet, les sociétés concernées par ces essais, parmi lesquelles Roche, n’ont pas fourni de réponses convaincantes.
Afin de protéger les participants et participantes, en particulier les plus vulnérables, les autorités égyptiennes doivent se doter d’une loi nationale et de mécanismes de supervision robustes. Public Eye demande par ailleurs à Swissmedic de renforcer ses contrôles éthiques avant de délivrer une autorisation pour des médicaments dont la mise sur le marché helvétique repose sur des tests effectués dans les pays en développement ou émergents. Les compagnies pharmaceutiques suisses doivent respecter le droit à la santé des personnes participant à leurs essais cliniques, en évaluant les risques et en agissant pour y remédier. C’est notamment ce que demande l’initiative pour des multinationales responsables, portée par plus de 70 ONG.
Plus d’informations ici ou auprès de :
Patrick Durisch, Public Eye (anciennement Déclaration de Berne), +41 21 620 03 06; patrick.durisch@publiceye.ch
Contexte :
En 2013, Public Eye avait publié plusieurs enquêtes menées en Ukraine, en Russie, en Inde et en Argentine documentant les violations éthiques liées à la délocalisation d’essais cliniques. Une recherche montrait en outre l’insuffisance des contrôles effectués par Swissmedic à propos des conditions dans lesquelles sont menés les tests de médicament servant à la décision d’autorisation de mise sur le marché.
*Pour cette enquête, Public Eye s’est associée aux ONG néerlandaises Wemos et SOMO ainsi qu’aux ONG égyptiennes EIPR et Shamseya