Essais cliniques: Roche et Novartis ne respectent pas leurs obligations éthiques dans les pays émergents

Lorsque Roche ou Novartis testent de nouveaux anticancéreux au Mexique ou en Ukraine, seule la frange aisée de la population pourra en bénéficier ultérieurement. Ces traitements vitaux coûtent en effet parfois plus chers qu’en Suisse. C’est ce que révèle une nouvelle enquête de Public Eye menée dans cinq pays émergents figurant parmi les «laboratoires» préférés des géants bâlois pour leurs essais cliniques. Afin de garantir l’accès aux médicaments pour tous – y compris aux plus vulnérables économiquement – les pharmas suisses doivent modifier leur politique de prix scandaleuse.
© Rajesh Kumar Singh/Keystone/AP

Les standards éthiques internationaux, comme la Déclaration d’Helsinki, sont clairs: les pays hébergeant des essais cliniques, et leur population vulnérable fréquemment impliquée dans ces tests, doivent pouvoir profiter des traitements qu’ils ont contribué à développer. Afin de vérifier le respect de ce principe par Roche et Novartis, Public Eye a étudié 22 médicaments testés en Afrique du Sud, Colombie, Mexique, Thaïlande, et/ou Ukraine. Les résultats montrent des progrès au niveau de la mise sur le marché: entre 86% et 100% de ces traitements y sont officiellement disponibles. Ils sont toutefois vendus à des prix si exorbitants qu’ils sont inabordables, et donc inaccessibles pour la majorité des malades.

Notre enquête révèle en effet de graves problèmes d’accès pour la quasi-totalité des 22 médicaments étudiés, qui ne sont pas pris en charge par les caisses publiques en raison de leur coût très élevé. Le Perjeta de Roche contre le cancer du sein illustre bien les conséquences de la politique de prix irresponsable des pharmas. En Suisse, son prix excessif, fixé au terme d’âpres négociations avec l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), menace la couverture universelle des soins, comme l’a montré Public Eye dans le cadre de sa campagne «pour des médicaments abordables». Presque aussi cher dans les pays émergents, le Perjeta coûte près de 56 000 dollars par an en Ukraine et au Mexique, soit plus de 30 ans de travail pour une personne gagnant le salaire minimum en vigueur dans ces pays. Contraints de payer de leur poche, la plupart des malades doivent renoncer au traitement.

Contrairement à ce qu’elles affirment, Roche et Novartis ne respectent donc pas leurs obligations en matière d’accès aux traitements post-essai. Elles doivent revoir leur politique de prix, en tenant notamment compte des réalités économiques locales. La transparence est aussi un élément essentiel pour mettre un frein à la toute-puissance des pharmas et garantir l’accès aux médicaments pour tous. Lors de l’Assemblée mondiale de la Santé, qui s’ouvre aujourd’hui à Genève, une résolution de l’Italie exigeant la transparence totale des coûts de recherche et développement (R&D) ainsi que des prix effectivement pratiqués dans chaque pays promet de féroces discussions. Sous l’influence du lobby pharmaceutique, plusieurs pays de l’Union européenne font pression pour enterrer cette initiative. Un soutien de la Suisse en tant que pays hôte de deux des plus grandes multinationales pharmaceutiques au monde enverrait un signal politique fort en faveur de l’intérêt public.

Plus d’informations sur l'accès aux médicaments post-essai ici ou auprès de:

Patrick Durisch (présent à l’Assemblée mondiale de la Santé), responsable santé, 021 620 03 06, patrick.durisch@publiceye.ch

Géraldine Viret, responsable médias, 021 620 03 05, geraldine.viret@publiceye.ch

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Nos recherches sur les essais cliniques:

Public Eye a publié différentes enquêtes mettant en lumière les violations éthiques liées à la délocalisation des tests de médicaments dans des pays à faible et moyen revenu, comme la Pologne (2015) ou l’Égypte (2016). Parmi les principaux manquements : des problèmes dans l’obtention du consentement éclairé, des tests avec placebo controversés, un manque d’engagement à fournir des compensations en cas de dommages ainsi que l’absence d’accès au traitement après l’essai pour les participant·e·s et la population.