Nos enquêtes sur les essais cliniques délocalisés
Enquêtes en eaux troubles
Entre juillet 2012 et juin 2013, Public Eye a mandaté des enquêtes dans quatre pays comptant parmi les destinations préférées des firmes suisses Roche et Novartis pour leurs essais cliniques : la Russie, l’Ukraine, l’Argentine et l’Inde. Un travail fastidieux, dans ce climat d’opacité qui entoure les tests de médicaments. Les informations sont rares et les équipes de recherche, sous clause de confidentialité, font face à des menaces de poursuites judiciaires si elles décident enfin de parler. Quant aux personnes participant aux essais, les identifier et les aborder est très difficile. Sur la base de témoignages d’acteurs clés, de documents confidentiels et de recoupements, nous avons toutefois pu confirmer l’existence de violations éthiques dans chacun de ces pays. Les plus fréquentes : problème dans l’obtention du consentement éclairé, tests avec placebo controversés, discontinuation du traitement à la fin de l’essai, absence d’engagement à fournir des compensations en cas de dommages.
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Ces enquêtes n’ont pas fait (et ne feront a priori pas) l’objet d’un suivi ou d’une mise à jour spécifique – les résultats tels qu’ils figurent sur ce site sont donc ceux obtenus lors de nos recherches en 2013.
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En Europe aussi
En Europe aussi, des personnes vulnérables sont utilisées pour des essais cliniques, comme en Pologne où Novartis a testé un vaccin contre la grippe aviaire sur des sans-abris sans obtenir leur consentement et en violant les règles de bonnes pratiques cliniques. Public Eye y a également mené l’enquête et récolté des témoignages. Un participant à l’essai clinique entend porter plainte contre la firme bâloise – une procédure qui pourrait faire date.
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Ce dossier fera l’objet d’une mise à jour régulière en fonction des développements du volet judiciaire, dans lequel Public Eye n’est pas formellement impliquée.
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Au pays des pharaons, les pharmas suisses sont reines
En 2016, Public Eye a poursuivi ses recherches en menant une nouvelle enquête en Égypte. Depuis le «printemps arabe» de 2011, le pays est en proie à une grande instabilité politique. Avec le renversement du président Mohamed Morsi, par un coup d’État militaire en 2013, la situation s’est encore dégradée pour les représentants de la société civile. La liberté de la presse est fortement limitée et la situation est particulièrement préoccupante sur le plan du respect des droits humains.
Ce contexte politique aurait pu décourager les multinationales pharmaceutiques de délocaliser dans ce pays une pratique aussi risquée et complexe que les tests de médicaments. Notre enquête en Égypte montre au contraire que l’industrie pharmaceutique profite des lacunes du système de santé publique pour mener des essais cliniques sur une population vulnérable à bien moindre coût. Et les pratiques sont similaires : carences législatives, consentement biaisé faute de choix et absence de garantie de la continuité du traitement après l’essai.
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Cette recherche fera l’objet de mises à jour régulières en fonction des développements en Égypte, notamment sur la question d’une nouvelle loi régissant les essais cliniques dans ce pays (en cours de délibérations au Parlement égyptien). En avril 2018, la chaîne DW Arabia a consacré une émission d’une heure en arabe sur ce sujet, avec la participation de Public Eye.
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Enquête complémentaire: l’accès aux médicaments après les tests
Post-Trial Access to Swiss Medicines in Five Low and Middle-Income Countries (2019): l’enquête de Public Eye dans cinq pays émergents figurant parmi les «laboratoires» préférés de Roche et Novartis.
Public Eye a publié en 2019 une enquête complémentaire portant sur l’accès aux médicaments post-essai, dans cinq pays émergents figurant parmi les «laboratoires» préférés des géants bâlois pour leurs essais cliniques: l'Afrique du Sud, la Colombie, le Mexique, la Thaïlande et l'Ukraine. Notre étude montre, fort heureusement, que les taux de mise sur le marché se sont nettement améliorés.
Toutefois, la mise sur le marché ne garantit pas que les nouveaux traitements sont effectivement accessibles pour la population. Notre enquête montre que lorsqu'ils sont commercialisés, leur prix est parfois si exorbitant qu’ils sont hors de portée financière pour la grande majorité de la population. L’accès à des traitements vitaux s’apparente encore bien souvent, après les tests, à un jeu de hasard. En premier lieu en raison de la politique de prix irresponsable pratiquée par les géants de la pharma.