La justice fédérale condamne les «loups» de Trafigura
Lausanne, 31 janvier 2025
Ce procès public a mis en lumière les rouages de la corruption dans le secteur des matières premières ainsi que la culture du silence façonnée par Trafigura. Reconnue coupable de «défaut d’organisation» en lien avec des faits de corruption, la maison de négoce genevoise devra payer 3 millions de francs d’amende et 145 millions de dollars de créance compensatrice pour avoir versé près de 5 millions de dollars de pots-de-vin en Angola entre 2009 et 2011, durant l’ère Dos Santos. Public Eye avait déjà révélé, il y a plus de dix ans, comment Trafigura contribuait par ses alliances opaques à l’enrichissement d’une caste de dirigeants autocratiques au détriment de la population angolaise.
Le Tribunal pénal fédéral a également sanctionné d’autres «maillons» de la chaîne de corruption, jusqu’à l’ancien numéro trois de Trafigura. Mike Wainwright écope ainsi de 32 mois de prison, dont 12 ferme. Cette condamnation d’un haut dirigeant de la société est un pas important dans la lutte contre l’impunité. T.P., un autre ancien employé de la maison de négoce, devenu son intermédiaire, est quant à lui condamné à 24 mois avec sursis. Propriétaire de ConsultCo Trading Ltd., l’une des entités utilisées pour verser les pots-de-vin, il était chargé de faire parvenir des commissions illicites à Paulo Gouveia Junior. Cet ancien dirigeant de la compagnie pétrolière angolaise est condamné à 36 mois de prison, dont 14 ferme, pour avoir accepté ces pots-de-vin, en échange de contrats très lucratifs.
C’est la première fois, dans l’histoire de la Suisse, qu’une société de négoce est condamnée pour des faits de corruption jugés dans le cadre d’un procès public. Aux niveaux national et international, les procédures se sont toutefois multipliées ces dernières années, comme en témoignent les 20 cas analysés récemment par Public Eye. Ces affaires emblématiques montrent que la malédiction des ressources qui frappe les pays producteurs comme l’Angola n’est pas une fatalité. Terre d’accueil des plus grands négociants en matières premières, la Suisse doit enfin agir de manière préventive, en établissant des devoirs de diligence contraignants ainsi qu’une autorité de surveillance spécifique pour ce secteur à haut risque.
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