Le (petit) rapport sur les matières premières du Conseil fédéral enjolive le statu quo
26 mars 2014
Malgré le risque politique élevé pour la Suisse, l’administration fédérale n’a toujours pas intégré la problématique des matières premières sales. L’implication de sociétés de négoce genevoises dans les affaires du clan de l’ex-président ukrainien Ianoukovitch a pourtant illustré avec fracas comment les flux de matières premières et les sociétés de négoce domiciliées en Suisse permettent aux élites au pouvoir dans les pays riches en ressources naturelles de s’enrichir illégalement. L’administration continue néanmoins de limiter sa réflexion sur les avoirs illicites à l’argent sale, refusant de fait d’y inclure le négoce des matières premières sales (recommandation 4).
La présentation de la publication de la statistique détaillée des importations et des exportations d’or – effective depuis janvier 2014 – comme un progrès de nature à renforcer la transparence dans ce secteur (recommandation 9) est représentative de l’autosatisfaction du Conseil fédéral. La Suisse ne fait pourtant qu’adopter un standard international appliqué depuis plus de quarante ans.
Le rapport dit par ailleurs qu’une dynamique a pu être instaurée dans un « environnement constructif »entre les différents acteurs autour de la mise en place de « standards et de bonnes pratiques […] au niveau des entreprises de négoce en terme de responsabilité sociale » (recommandation 11). Or, les dix ONG auditionnées en janvier dernier par les autorités fédérales leur ont signalé sans équivoque qu’elles n’étaient pas disposées, dans ces conditions, à participer à une initiative multipartite. Dans une prise de position commune, les ONG ont souligné les prérequis nécessaires à un tel dialogue : la reconnaissance des problèmes et des responsabilités ainsi que la volonté de trouver des solutions pour y remédier. Aucune des sociétés suisses actives dans le secteur des matières premières ne remplit ces conditions. Les autorités fédérales refusent quant à elles toujours d’envisager des mesures contraignantes, préférant compter sur l’hypothétique volonté des sociétés d’améliorer leurs pratiques. Il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités en régulant ce secteur de façon à endiguer la malédiction des ressources naturelles.
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Marc Guéniat, Déclaration de Berne, gueniat[at]ladb.ch, 021 620 03 02