Les millions d'Abacha: la Banque mondiale confirme les critiques des ONG
22 décembre 2006
Le rapport qui vient d'être publié par la Banque mondiale critique l'utilisation des fonds Abacha sur différents points, dont une grande partie avait déjà été mise en avant par les ONG nigérianes:
- En raison des lacunes existant dans la comptabilité publique, il n'est pas possible, sauf exception, de vérifier les dépenses effectives par projet. De ce fait, seul un contrôle sur le terrain est possible, non un contrôle financier. Des dispositions relatives à la mise en œuvre budgétaire des sommes restituées manquaient déjà dans l'accord de restitution de 2005.
- 11 projets sur les 51 qui ont été examinés (soit 21%) étaient déjà terminés en 2004. Ils ne peuvent donc pas avoir été financés avec les fonds Abacha dont la restitution a été comptabilisée en 2004. Le Nigeria explique ce décalage par un retard dans les paiements, ce qui ne peut pas être vérifié. Il manque également des données fondamentales (comme p.ex. l'adresse) relatives aux entreprises qui ont reçu des contrats pour exécuter les projets.
- Les tableaux publiés en annexe du rapport de la Banque mondiale ne donnent aucune indication sur l'état de mise en œuvre des projets. De ce fait, on ne voit pas facilement que des édifices n'existent pas, n'ont jamais été utilisés, ne sont pas suffisamment équipés ou furent abandonnés. Ce constat important, quoique navrant, est caché dans le texte du rapport. Cela confirme que le caractère tardif de la publication visait à minimiser l'impact politique.
- Tous les représentants du gouvernement du Nigeria qui ont participé au monitoring reconnaissent le succès de la participation des ONG (mais pas de la restitution des fonds!). La banque mondiale recommande explicitement d'impliquer les ONG non seulement dans les structures de monitoring à long terme, mais également dans le choix et la planification des projets.
Le Nigéria est l'un des pays les plus pauvres du monde. La Suisse doit à l'avenir éveiller suffisamment à l'avance l'intérêt du pays qui pourra récupérer des fonds saisis pour qu'il implique la société civile dans les structures de monitoring et le processus de budgétisation. Le cas des fonds Abacha montre clairement que la Suisse peut et doit utiliser sa marge de manœuvre diplomatique plus tôt et de manière plus intensive pour que la restitution d'argent de potentats soient réussie. Ne tenir compte que du principe de souveraineté est, dans de tels cas, contre-productif et porte préjudice tant à la Suisse qu'à la population des pays lésés.
* La Coalition des ONG pour une restitution juste et transparente des fonds Abacha est composée de l'Action Place Financière Suisse, Pain pour le prochain, Déclaration de Berne, Greenpeace Suisse, Institut d'Ecologie et Action-Ethnologie (INFOE), Nigeria Awareness Group, Société pour les Peuples Menacés et Transparency International Suisse.