Les «Panama papers» révèlent les lacunes du dispositif suisse anti-blanchiment
Lausanne, 6 avril 2016
La Suisse est le second pays, derrière Hong-Kong, dans lequel les intermédiaires financiers recourant aux services de Mossack Fonseca ont été les plus actifs. Ils auraient créé plus de 37’000 sociétés panaméennes, soit plus du sixième de toutes les entités répertoriées par l’ICIJ. Parmi les dix banques clientes de Mossack Fonseca figurent quatre établissements soumis à la surveillance de la FINMA : Safra Sarasin, Credit Suisse Channel Islands, HSBC Private Bank (Suisse) et la succursale genevoise d’UBS.
Le dispositif de lutte contre le blanchiment oblige l’intermédiaire financier acceptant l’argent de son client à vérifier si ses opérations sont licites et à communiquer ses éventuels soupçons aux autorités. Au vu de la frénésie avec laquelle les intermédiaires financiers helvétiques créent des structures opaques, on peut douter de leur volonté d’appliquer les devoirs de diligence prévus par la Loi sur le blanchiment (LBA). Si les révélations de l’ICIJ ont suscité de fortes réactions des autorités dans le monde, le gouvernement suisse est pour l’instant resté silencieux. Seule la FINMA a annoncé lundi l’ouverture d’enquêtes afin de déterminer dans quelle mesure les banques suisses ont respecté la loi. Le cœur du dispositif anti-blanchiment est mis en cause, et l’autorité de surveillance ne peut se contenter de sanctionner les manquements par de légères amendes anonymes, tel qu’elle en a l’habitude. Ses conclusions doivent être rendues publiques et le Conseil fédéral doit proposer des mesures légales afin d’encadrer plus strictement les affaires conclues avec des juridictions non-transparentes.
Les banques ne sont pas les seules à recourir aux services de cabinets spécialisés dans la création de structures offshore. En Suisse, de nombreux avocats jouent aussi le rôle d’intermédiaires, offrant à leurs clients des montages clés en main. Ceux-ci comprennent la création de structures destinées à dissimuler leur identité, l’ouverture de comptes bancaires au nom fantaisiste de telles sociétés et l’administration de leurs avoirs, souvent illégitimes. Comme la Tribune de Genève le montre aujourd’hui, des avocats comme le célèbre pénaliste genevois Marc Bonnant, qui œuvre par exemple pour le milliardaire controversé Benny Steinmetz, n’hésitent pas à offrir leurs services pour des deals problématiques, qu’il s’agisse de camoufler la fortune douteuse d’un proche de Vladimir Poutine, de faciliter les affaires de milliardaires actifs dans le secteur des matières premières ou de dissimuler les millions résultant de ventes d’armes secrètes à l’Afrique du Sud. Ils se retrouvent même parfois à défendre devant les tribunaux les sociétés qu’ils ont eux-mêmes créées et administrées.
Ces avocats profitent d’une lacune flagrante du dispositif anti-blanchiment helvétique. La LBA ne s’applique à leurs activités que s’ils ont un accès direct aux fonds qu’ils administrent. Par ailleurs, les avocats ne sont pas soumis à l’obligation de communiquer leurs soupçons lorsqu’ils sont astreints au secret professionnel. Ces lacunes doivent être comblées au plus vite.
Le principal remède contre l’opacité financière est connu de longue date : disposer de registres publics permettant de connaître les ayants-droit économiques des sociétés. Jusqu’ici, le Panama a pu se soustraire aux tendances internationales visant à accroître la transparence des structures juridiques. Le Panama n’est pas le seul centre financier offrant de telles structures. En Suisse, la situation reste problématique. Seules les sociétés cotées en bourse ont l’obligation de publier des informations relatives à leurs ayants droit économiques. Pour toutes les autres, ces informations restent encore inaccessibles au public.
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Olivier Longchamp, Déclaration de Berne, +41 21 620 03 09, longchamp@ladb.ch
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