L’impôt au coeur de la responsabilité sociale des entreprises
27 janvier 2005
Dans une économie globalisée, les Etats ont de la difficulté à imposer de manière appropriée les entreprises. Cela est particulièrement vrai des entreprises transnationales. Celles-ci or-ganisent leurs activités de manière à diminuer les revenus imposables dans beaucoup de pays. Elles manipulent les prix internes facturés à leurs filiales et enregistrent les profits là où les impôts sont les plus faibles. Les profits inscrits au bilan sont aussi réduits grâce à des transactions fictives avec des filiales dans les paradis fiscaux, par exemple pour des presta-tions de consulting ou d'assurance. Ce sont donc les filiales dans les paradis fiscaux qui en-caissent les bénéfices – libres d’impôt.
Bien qu'il saute aux yeux que l'optimisation fiscale déplace la charge fiscale et sape l'Etat social, la pratique des entreprises face aux impôts n’apparaît généralement pas dans les discussions sur leur responsabilité sociale. Ainsi, sur les 86 pages traitant de la responsabi-lité des entreprises sur le site internet du World Economic Forum (WEF), seules trois mentions de l’évasion fiscale sont faites. La problématique fiscale n’apparaît pas davantage dans l’initiative du WEF contre la corruption alors que les pratiques fiscales agressives bénéficient des mêmes structures offshore que la corruption de potentats ou la fuite des capitaux des pays en voie de développement.
C’est pourquoi le réseau pour la justice fiscale (Tax Justice Network) présente aujourd’hui à Davos une campagne qui a pour but de faire de la pratique équitable face aux impôts le thème central de la responsabilité sociale des entreprises.
Les entreprises doivent renoncer aux constructions offshore, à leur politique fiscale agres-sive et payer leurs impôts là où elles créent de la valeur ajoutée.
Selon Andreas Missbach, secrétaire permanent de la Déclaration de Berne et cofondateur du réseau pour la justice fiscale, “ Il ne s'agit pas de légalité au sens strict, mais d'éthique et de responsabilité. Dans toute la discussion sur la responsabilité des entreprises, il est géné-ralement admis qu’il ne suffit pas de suivre la loi pour être une entreprise responsable. Les entreprises qui ne gèrent pas leurs impôts de manière éthique ne peuvent pas défendre de manière crédible leur responsabilité sociale ”. Bruno Gurtner, de la Communauté de travail des oeuvres suisses d’entraide ajoute que “ les pays en voie de développement perdent chaque année au moins 50 milliards de dollars américains de recettes fiscales suite à la pratique fiscale agressive des entreprises ”. Ces pratiques fiscales dommageables empêchent que les pays pauvres atteignent les objectifs du millénaire de l’ONU.
Pour John Christensen, économiste du développement, ancien conseiller du gouvernement de Jersey et coordinateur du réseau pour l’égalité fiscale, les remèdes sont évidents : “ les entreprises doivent disposer de normes claires en matière de fiscalité. Cela signifie qu'elles devraient publier correctement tous les chiffres, renoncer à des structures offshore permet-tant de délocaliser les bénéfices et, dans tous les pays dans lesquels elles sont actives, ren-dre public leurs profits et les impôts qu’elles y paient. Ce n'est qu’avec une telle transparence qu'elles peuvent apparaître de manière crédible en tant qu'entreprises responsables. ”
Le réseau international pour la justice fiscale (Tax Justice Network, TJN) s’engage pour la justice fiscale sur les cinq continents : www.taxjustice.net