Procès Steinmetz: le magnat des mines condamné pour corruption à Genève
Genève, 22 janvier 2021
Dans son verdict, la cour a souligné que «Beny Steinmetz a collaboré de manière déterminante au processus de corruption». Elle le condamne à 5 ans de prison et une créance compensatrice de 50 millions de francs pour avoir fait verser près de 10 millions de dollars de pots-de-vin à Mamadie Touré, la quatrième épouse du défunt président de la Guinée, Lansana Conté. Ce pacte corruptif avait permis à Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) d’obtenir dès 2006 des permis d’exploitation dans l’un des plus grands gisements de fer au monde, la mine de Simandou. L’avocat de Beny Steinmetz, Me Marc Bonnant, a annoncé qu’il fera appel de cette décision.
Ce procès, dont Public Eye fait le récit, a jeté une lumière crue sur les rouages de la corruption internationale, avec en toile de fond l’un des pays les plus pauvres de la planète. Il a montré comment le recours abusif aux paradis fiscaux facilite la dissimulation d’activités illégales, dans des États où le niveau de gouvernance et les réglementations sont faibles. Pour masquer les schémas corruptifs, BSGR a eu recours à des montages opaques, organisés depuis Genève via une société de conseil, Onyx Financial Advisors. Également sur le banc des accusés, son ancienne directrice a été condamnée à 2 ans avec sursis et une créance compensatrice de 50 000 de francs pour avoir «permis la mise en place du schéma corruptif». Autre figure emblématique de ce type d’affaires: l’intermédiaire de BSGR en Guinée, un Français qui était le contact privilégié de Mamadie Touré, écope quant à lui de 3.5 ans de prison et une créance compensatrice de 5 millions de francs. Fait extrêmement rare, les juges condamnent donc aujourd’hui à Genève trois différents «maillons» de la chaîne de corruption, jusqu’au sommet.
Public Eye salue la détermination de la justice genevoise, qui ne s’est pas laissé aveugler par les écrans de fumée, aussi épais soient-ils, et les dérobades. Ce verdict envoie un signal fort à l’ensemble du secteur des matières premières, fortement exposé aux risques de corruption. Il ne doit toutefois pas faire oublier l’extrême difficulté pour les procureur·e·s suisses et étranger·e·s d’instruire des affaires aussi complexes. Si la Suisse, aujourd’hui, n’a pas été le paradis de l’impunité, elle doit prendre les mesures nécessaires pour ne plus l’être demain également, en agissant en amont. Pour prévenir de tels scandales, la loi suisse sur le blanchiment d’argent (LBA) doit couvrir les actes liés à la création, la gestion ou l’administration de sociétés, de trusts et de fondations, notamment par les avocat·e·s. La publication de la liste des ayants droit économiques des sociétés dans les registres du commerce suisses est également essentielle. Il est grand temps que les autorités helvétiques comblent les failles législatives qui facilitent les pratiques prédatrices, au détriment des populations pauvres dans les pays riches en ressources naturelles.
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