Une nouvelle enquête en Chine réfute les belles promesses de Shein

Plus de deux ans après nos révélations sur les mauvaises conditions de travail dans les usines des fournisseurs de Shein, les semaines de 75 heures y sont toujours la norme. Notre deuxième visite sur place met en évidence la contradiction flagrante entre le quotidien des couturières et couturiers du sud de la Chine, rythmé par le travail rémunéré à la pièce, et la nouvelle rhétorique de durabilité du géant de la mode jetable. Notre analyse de l’architecture du groupe Shein montre par ailleurs la complexité croissante du réseau d’entreprises par lequel il opère. En particulier, ses opérations financières opaques et la «disparition» de son fondateur soulèvent des questions à l’approche de son introduction en bourse.
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Depuis la publication, en novembre 2021, de notre enquête exclusive sur le géant chinois de la mode en ligne, Shein a promis à ses employé∙e∙s, à sa clientèle et à ses investisseurs d’améliorer les conditions de travail chez ses fournisseurs. Pourtant, les nouveaux témoignages recueillis auprès de 13 ouvriers et ouvrières à Guangzhou, où Shein fait fabriquer une grande partie de ses produits et où la dernière enquête avait déjà été menée, brossent un tableau très différent. Travailler de 8 heures du matin jusqu’à tard dans la nuit reste la norme chez les fournisseurs de Shein, pour la plupart de petites entreprises. Les journées de douze heures effectuées au moins six jours par semaine, mais même généralement sept, sont contraires à la législation chinoise ainsi qu’au code de conduite du groupe pour les fournisseurs, selon lequel le temps de travail hebdomadaire ne devrait pas dépasser 60 heures (heures supplémentaires comprises).

Le rythme de travail effréné révélé par Public Eye il y a deux ans et demi a depuis été confirmé par plusieurs enquêtes menées par de grands médias internationaux, ce qui a poussé Shein à investir massivement dans la gestion de sa réputation. Parmi les mesures mises en avant: un audit d’usines commandé par le géant chinois et au terme duquel les organismes de contrôle SGS, Intertek et TÜV Rheinland auraient conclu: «Shein assume clairement sa responsabilité en veillant à ce que les employé∙e∙s des usines de ses fournisseurs reçoivent un salaire décent pour leur travail». Début 2023, cette citation a toutefois disparu du site internet de Shein, tandis que TÜV Rheinland affirme n'avoir «jamais fait ni approuvé une telle déclaration». Les deux précédents rapports de durabilité de Shein ont également été supprimés de son site internet, et ce juste avant une troisième édition qui tarde à être publiée. 

Shein baigne toujours dans l’opacité en ce qui concerne sa structure de plus en plus complexe et ses résultats financiers. C'est ce que confirment les données extraites par Public Eye des registres du commerce de Singapour, de Hong Kong et d’Irlande, qui ont été intégrées dans une mise à jour de l’organigramme du groupe. Et puis, surprise : l’énigmatique fondateur de Shein, Xu Yangtian, a quitté il y a un an le conseil d'administration de Roadget Business, l’entité qui est apparemment devenue le siège social de l’entreprise. De tels exemples soulignent le manque de transparence du roi de l’ultra-fast fashion. Ce flou ne devrait pas inspirer confiance aux investisseurs, alors que Shein se prépare à entrer en bourse, et encore moins aux autorités politiques, qui ne peuvent plus ignorer les problèmes posés par le groupe. Plusieurs interventions en France, dans l’Union européenne, aux États-Unis, mais aussi en Suisse, montrent la voie à suivre pour résoudre ce problème. Toutefois, une réglementation efficace de l’industrie de la mode éphémère est encore loin d'être acquise.

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