Les géants de l’agrochimie gagnent des milliards grâce à des pesticides cancérogènes ou néfastes pour les abeilles
Lausanne/Zurich, 20 février 2020
Public Eye et Unearthed ont obtenu des données de la société d’analyse de marché Phillips McDougall, qui détaillent pour 23,3 milliards de dollars de ventes de pesticides utilisés dans l’agriculture en 2018, soit environ 40% du marché mondial. Nous les avons analysées en utilisant la liste des pesticides extrêmement dangereux du Pesticide Action Network (PAN). Les résultats de notre enquête montrent que les allemandes Bayer et BASF, les états-uniennes Corteva et FMC et la suisse Syngenta ont réalisé ensemble 35 % de leurs ventes grâce à ces pesticides posant les niveaux de risque les plus élevés pour la santé ou l’environnement. Cela représente 4,8 milliards de dollars sur les 13,4 milliards de ventes de pesticides de ces cinq sociétés couvertes par les données.
Réunies au sein du puissant lobby de l’agrochimie CropLife International, ces géants se positionnent comme un groupe d’entreprises responsables, qui «innovent pour remplacer les pesticides extrêmement dangereux par de nouveaux produits moins toxiques». Notre analyse détaillée des ventes met en lumière une toute autre réalité:
- En 2018, les cinq principaux membres de CropLife ont réalisé près d’un quart de leurs ventes (22%) grâce à des pesticides associés à des effets à long terme sur la santé. En tête: des substances classées cancérogènes probables ainsi que des molécules pouvant affecter le système reproducteur ou le développement des enfants, comme le chlorothalonil et le chlorpyrifos, qui viennent d’être interdits en Suisse.
- Ces firmes ont aussi généré 4% de leurs ventes avec des pesticides à la toxicité aigüe extrêmement élevée. Ce type de substances causent chaque année 25 millions d’empoisonnements aigus d’agriculteurs et agricultrices, dont 220 000 décès, principalement dans les pays en développement. Syngenta est responsable des deux tiers de ces ventes.
- Elles ont réalisé 10% de leurs ventes avec des pesticides hautement toxiques pour les abeilles, dont les néonicotinoïdes, impliqués dans la disparition massive de nombreux insectes pollinisateurs dans le monde.
Notre analyse révèle aussi que les pays en développement et émergents sont les terrains de jeu privilégiés de ces multinationales, qui y font près de 60% de leurs ventes de pesticides extrêmement dangereux. Elles profitent de la faiblesse des réglementations dans des pays comme le Brésil ou l’Inde pour continuer à vendre des substances interdites dans l’Union européenne et en Suisse. Or, celles-ci ne peuvent pas être utilisées de manière sûre, en particulier dans de tels contextes.
«Cette pratique des géants de l’agrochimie est irresponsable et contredit les engagements qu’ils ont pris publiquement en faveur d’une agriculture plus durable», a déclaré Baskut Tuncak, Rapporteur spécial des Nations unies sur les substances toxiques et les droits humains, en réaction à notre enquête. «Qu'ils empoisonnent les travailleurs, détruisent la biodiversité, contaminent l'environnement ou s'accumulent dans le lait maternel, les pesticides extrêmement dangereux n’ont rien de durable. Ils auraient dû être retirés du marché depuis longtemps.» Face au refus des fabricants de pesticides d’agir sur une base volontaire, la Suisse et les autres États hôtes de ces firmes doivent prendre des mesures contraignantes pour garantir qu’elles respectent les droits humains et l’environnement dans tous les pays où elles opèrent.
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- Laurent Gaberell, responsable agriculture et biodiversité, +41 21 620 06 15, laurent.gaberell@publiceye.ch
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Les pesticides dangereux...