Les profits avant tout: le Parlement ne veut pas de loi pour le secteur des matières premières
Lausanne, Zurich, 19 mars 2025
L’essentiel en bref:
- Le Conseil des États a rejeté aujourd’hui une motion visant à établir un cadre législatif pour encadrer le secteur des matières premières.
- Sans loi spécifique, la Suisse continuera à tirer profit de sa place de négoce, principalement aux dépens des populations dans les pays producteurs.
- Face aux crises et conflits qui s’intensifient, ce modèle d’affaire opportuniste doit enfin faire place à une politique fondée sur le respect des droits humains et de l’environnement.
Le Conseil des États a rejeté aujourd’hui une motion déposée en mars 2022 par le Parti socialiste, peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Celle-ci visait à établir un cadre juridique pour le secteur des matières premières afin de lutter contre ses dérives, prévenir de nouveaux scandales et protéger ainsi la réputation de la Suisse au niveau international. En septembre 2023, la majorité du Conseil national avait pourtant soutenu la revendication principale de cette motion, encouragée par les nombreuses révélations sur les liens étroits entretenus par la Suisse avec le négoce de matières premières russes et ses oligarques.
Un an et demi plus tard, les déclarations parlementaires en faveur des populations qui subissent de plein fouet les effets néfastes du secteur des matières premières, et de l’absence de cadre réglementaire, sont un lointain souvenir. Le Conseil des États a renoncé à « éviter de répéter les erreurs que nous avons payées cher dans le secteur bancaire », selon l’intitulé de la motion rejetée par 33 voix contre 11. Ce refus intervient quelques mois après les remerciements adressés par la ministre des Finances Karin Keller-Sutter aux négociants pour les recettes fiscales supplémentaires générées en 2022 et 2023. Pourtant, si les profiteurs des crises et des guerres à Genève et Zoug ont engrangé des bénéfices records ces dernières années, c’est aussi parce que des millions de personnes à travers le monde ont dû faire face à l’explosion des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. À cela s’ajoutent les nombreux scandales de corruption et autres abus du secteur des matières premières dénoncés depuis des années par Public Eye.
Mais rien de tout cela ne pousse les autorités helvétiques à agir. Et le Parlement refuse toujours d’imposer des garde-fous aux activités de Glencore, Trafigura et consorts à l’étranger. Sans loi spécifique, la Suisse continuera donc à tirer profit de sa place de négoce, principalement aux dépens des populations les plus vulnérables dans les pays producteurs. Et les bénéfices de crise continueront à remplir les caisses publiques, selon le modèle d’affaire de la Suisse.
D’un point de vue éthique, mais aussi face à un ordre mondial en rapide mutation, la question de la viabilité de ce modèle se pose toutefois. Il est temps de remplacer l’opportunisme économique par une politique fondée sur des valeurs, qui respecte les droits humains, contribue à davantage de justice sociale au niveau mondial et préserve l’environnement pour les générations à venir.
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