Le Conseil national n’entrera vraisemblablement même pas en matière
Lausanne, 9 décembre 2024
Les violations de droits humains causées par les activités des multinationales – dommages collectifs ou de masse – concernent majoritairement un nombre important de personnes. Par exemple, si une fonderie de cuivre exploitée par une entreprise suisse pollue l’air et/ou l’eau potable d’un village, cela concerne plusieurs habitant·e·s. Aujourd’hui, en Suisse, si un grand nombre de personnes subissent un préjudice identique ou similaire, chacune doit en principe intenter une action individuelle pour faire valoir ses droits. C’est pourquoi les personnes lésées renoncent souvent à une action en justice surtout lorsque le montant du dommage est faible.
Après avoir siégé à cinq reprises en deux ans et demandé diverses clarifications complémentaires, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a décidé, le 17 octobre, de ne même pas entrer dans la discussion de fond sur le projet relatif à l’exercice collectif des droits: elle a proposé à son conseil, par 14 voix contre 10 et une abstention, de ne pas entrer en matière. Cette décision survient plus de dix ans après le dépôt de la motion qui demandait au Parlement de garantir « la promotion et le développement des instruments d’exercice collectif des droits » afin d’améliorer la situation des personnes lésées. Et cinq ans se sont écoulés depuis la mise en consultation de la première proposition du Conseil fédéral qui, en 2021, est devenue un projet distinct de la révision du Code de procédure civile suisse. Les rapports demandés par la commission ont tous montré qu’il était nécessaire d’agir et de trouver des solutions aux questions soulevées par la Commission des affaires juridiques.
Au-delà de l’obligation pour les entreprises de respecter les droits humains, les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme recommandent aussi à tous les États de prendre des mesures pour garantir un accès effectif à la justice: toute victime de violations de droits humains commises par des entreprises doit avoir accès à des mécanismes de réparation efficaces, donc à la justice. Ce droit est aussi de plus en plus important pour les victimes de dommages environnementaux et des conséquences du changement climatique. Cela demande des instruments d’exercice collectif des droits qui puissent être mis en œuvre pour régler en justice, dans une seule procédure, les prétentions de nombreuses personnes ayant subi les mêmes préjudices. Le Conseil fédéral a déjà souligné dans un rapport en 2013 que ceux qui existent déjà en Suisse sont insuffisants.
Il serait donc grand temps d’agir à ce sujet. Récemment, plusieurs pays européens ont renforcé leurs instruments de recours collectif. Les États membres de l’UE se sont par ailleurs mis d’accord sur une possibilité d’action collective à l’échelle européenne dans le domaine de la protection des consommateurs et consommatrices. Les organisations signataires attendent du Conseil national qu’il entre en matière sur le projet le 11 décembre 2024, contrairement à la recommandation de sa commission, et qu’il aborde enfin le débat de fond sur l’amélioration des instruments d’action collective en Suisse.
Organisations signataires
Action de Carême, Solidar Suisse, Société pour les peuples menacés (SPM), Amnesty International Suisse et Public Eye