De longues procédures et des tactiques pour les faire traîner
Les enquêtes sur les faits de blanchiment et de corruption sont généralement reconnues comme étant très difficiles et chronophages. Car dissimuler le blanchiment d’argent et la corruption implique souvent de recourir à des structures sophistiquées de diverses sociétés écrans et autres, ainsi que de très nombreux comptes en banque dans plusieurs pays. Les enquêteurs et enquêtrices doivent alors analyser les opérations en partie légales et chercher à prouver l’illégalité qu’elles couvrent, conformément aux exigences du code de procédure pénale. Dans les cas de criminalité économique transnationale, les organes d’enquête sont en outre tributaires de la collaboration avec leurs homologues étrangers. Cela peut particulièrement occasionner des difficultés dans les procédures dans des pays aux structures d’État de droit faibles.
Outre le manque de ressources dont les ministères publics souffrent parfois, la longue durée des procédures est causée par deux raisons ancrées dans le droit de la procédure:
- d’une part, la procédure dite de mise sous scellés peut temporairement empêcher les autorités de poursuite pénale d’accéder à des dossiers ou autres documents lors de la procédure pénale;
- d’autre part, la législation des procédures d’entraide judiciaire internationales prévoit un droit de recours pour les personnes concernées.
Il s’agit là de deux moyens juridiques constitutionnels élémentaires et incontestés qui émanent du principe de procès équitable. Mais ils sont souvent employés par la défense pour gagner du temps dans la procédure.
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Procédure de mise sous scellés
La mise sous scellés, entérinée dans le code de procédure pénale (art. 248 CPP) est une procédure dite «d’urgence». Les détenteurs, détentrices ou autres personnes qui ont un droit protégé sur des dossiers ou objets (tels que des dossiers bancaires ou des supports de données) peuvent ainsi temporairement empêcher les autorités de poursuite pénale d’en prendre connaissance et de les utiliser dans le cadre des poursuites. Et la démarche est extrêmement facile : la simple formulation «demande de mise sous scellés», qui ne demande aucune justification, suffit à empêcher le Ministère public d’accéder aux éléments de preuve saisis ou réclamés. Afin que les organes d’enquête puissent commencer leur investigation, ils doivent déposer une demande de levée des scellés auprès du tribunal des mesures de contrainte et attendre que sa décision soit entrée en force.
Et une procédure judiciaire de levée des scellés prend du temps, en particulier quand la décision est déférée au tribunal fédéral. Selon une étude, la durée moyenne d’une procédure de levée des scellés après avoir épuisé toutes les voies de recours est de 328 jours, et même de 397 jours pour les délits économiques. Dans certaines affaires pénales économiques complexes, la procédure de levée des scellés devant la première instance a duré de deux à trois ans.
Mais dans certains cas ne présentant aucune ambiguïté, le droit de mise sous scellés a été utilisé à des fins tactiques – ce qui frôle l’abus de droit.
L’enquête pénale prend alors beaucoup de retard et des éléments de preuve potentiels ne peuvent pas être évalués, même si la mise sous scellés a été demandée sans aucune justification valable. Depuis des années, les mises sous scellés sont de plus en plus utilisées, avec toutefois un succès très relatif dans la plupart des cas (selon l'étude, le tribunal a considéré que la mise sous scellés était justifiée dans seulement 6,7 % des cas d'infraction économique dans les procédures de première instance).
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Droit de recours dans les procédures d'entraide judiciaire
Dans une économie mondialisée, la criminalité ne connaît pas non plus de frontières. Dans les cas de corruption d’agents publics étrangers, mais aussi dans d’autres affaires pénales économiques impliquant des actes perpétrés dans plusieurs États, les autorités de poursuite pénale sont tributaires d’éléments de preuve provenant de l’étranger. C'est pourquoi elles font des demandes d’entraide judiciaire internationale.
Inversement, selon une analyse réalisée en 2020 par le Contrôle fédéral des finances, la Suisse reçoit en moyenne plus de 2300 demandes de ce type par an. Le nombre exact de demandes d’entraide judiciaire que la Suisse a déposées à l’étranger n’est présenté dans aucune statistique ou celles-ci sont insuffisamment recensées. L’OCDE a récemment critiqué la Suisse à ce propos. Le Contrôle fédéral des finances conclut systématiquement: «Très sollicité par d’autres États pour des affaires économiques, notre pays accorde plus souvent l’entraide qu’il ne la sollicite».
Malgré la pression internationale pour accélérer les procédures, les demandes d'entraide judiciaire sont très lentes en Suisse. Selon la même analyse, dans les cas de délits économiques, il faut parfois attendre une année ou plus (462 jours en moyenne) jusqu’à ce qu’une demande soit traitée. L’entraide juridique offerte par la Suisse brille en revanche par sa grande qualité.
Le droit de recours est souvent une raison pour la longue durée des procédures. Même les spécialistes du Contrôle fédéral des finances le reconnaissent: «Le droit de recours est souvent utilisé comme tactique pour faire traîner les procédures». Car il ne peut guère avoir d’autre objectif. Des recours sont certes déposés pour seulement 3 à 4% des demandes d’entraide judiciaires auprès du Tribunal pénal fédéral. Le tribunal approuve ensuite seulement 7% des recours. Environ un quart est déféré au Tribunal fédéral, qui n’entre même pas en matière sur 90% d'entre eux et n’en approuve qu’environ 3%.
Le droit de recours est historiquement lié au secret bancaire. Il a été introduit en 1981 lors de l’entrée en vigueur de la loi sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP) car les banques craignaient que d’autres États abusent de l’entraide judiciaire pour contourner le secret bancaire. Après son entrée en vigueur, il s’est toutefois avéré que l’entraide judiciaire n’était pas en elle-même exploitée de manière abusive, mais que le droit de recours permettait de défendre des intérêts criminels. Avec la révision de la EIMP en 1996, la procédure d’entraide judiciaire a certes pu être accélérée, en limitant le rôle du Tribunal fédéral et en retirant la possibilité de contester consécutivement la décision d’entrée en matière et la décision de clôture. Mais l’imposition d’un délai pour réduire à neuf mois la durée de la procédure d’entraide judiciaire a toutefois été rejetée.
L’entraide judiciaire internationale était et est toujours un défi dans l'affaire Petrobras (Lava Jato). Les enquêtes brésiliennes portaient sur une infraction préalable de blanchiment d’argent qui a fait l’objet d’investigations en Suisse. Selon ses propres dires, le Ministère public de la Confédération a adopté, dans l'affaire Petrobras, la stratégie de «transmettre régulièrement et spontanément aux autorités chargées de l’enquête au Brésil des informations sur l’existence de dossiers bancaires intéressants afin qu’elles puissent déposer au Ministère public de la Confédération une demande d’entraide judiciaire» (lire à ce propos le point de vue d’un procureur brésilien sur la collaboration dans cette affaire).
Des ententes extrajudiciaires rendues possibles par un tour de passe-passe
À la différence des États-Unis, la Suisse ne reconnaît pas, dans ses poursuites pénales, d’instruments permettant à proprement parler de trouver des ententes extrajudiciaires. Le code de procédure pénale prévoit certes la possibilité de recourir à une procédure simplifiée, qui est reconnue comme étant l’équivalent suisse d’une procédure d'entente. Sur demande de la personne poursuivie, et quand elle reconnaît les faits avérés, le Ministère public peut accorder la possibilité de recourir à une procédure simplifiée. La personne poursuivie et le Ministère public conviennent alors d’un acte d'accusation, soit infractions reprochées, sanction et quantum de la peine. Mais celles-ci sont soumises au tribunal pénal, qui peut les valider en tant que jugement entré en force ou les rejeter.
Dans le cadre de la consultation sur la révision du code de procédure pénale, le Ministère public de la Confédération a réclamé une «mise en accusation différée dans les procédures menées contre les entreprises». Le Conseil fédéral a toutefois rejeté cette demande, notamment pour la raison suivante: «La proposition du MPC laisse la porte ouverte aux ententes sur les sanctions, les effets accessoires, les prétentions civiles, etc. entre l’entreprise et le ministère public, sans qu’un juge puisse se prononcer sur la convention passée. Les règles demandées vont plus loin que celles relatives à la procédure simplifiée.»
Cela est très intéressant quand on s’intéresse aux pratiques du Ministère public de la Confédération, car, jusqu’à présent, celui-ci a mené ses procédures contre des entreprises par le biais d'ordonnances pénales. Ce qui signifie que le jugement n’a pas été prononcé par un tribunal pénal mais par le ministère public lui-même. L’ordonnance pénale ne fait certes office que de proposition de jugement, puisque la personne poursuivie et d’éventuels ayants droit supplémentaires peuvent y faire opposition sous un délai de dix jours. Mais si la personne poursuivie refuse de faire opposition, l’ordonnance pénale deviendra jugement entré en force – sans contrôle judiciaire.
Le Ministère public de la Confédération contourne le contrôle judiciaire
La procédure d’ordonnance pénale est conçue pour s’appliquer à des cas clairs et de faible gravité. Parmi les conditions préalables, les faits avérés doivent avoir été avoués ou suffisamment clarifiés, et l’une des sanctions suivantes doit être suffisantes: peine pécuniaire ou peine de prison d’un maximum de 180 jours-amende, ou de six mois, ou une amende. Et, dans la pratique, c'est cette dernière option qui est régulièrement appliquée dans les ordonnances pénales contre des entreprises.
Dans de nombreux cas, le Ministère public de la Confédération a tout d’abord ouvert une procédure simplifiée dans le cadre d’enquêtes pénales contre des entreprises. Peu avant la clôture, il a changé de type de procédure et a rendu une ordonnance pénale plutôt que de soumettre au Tribunal pénal fédéral l’acte d’accusation négocié. Par cette pratique, le Ministère public de la Confédération contourne le contrôle judiciaire.
Un procureur fédéral haut-placé reconnaît ouvertement qu’il s’agit là d’une tactique assumée du Ministère public de la Confédération: «[…] Cela a conduit le MPC à mettre en œuvre à la demande d’une entreprise une procédure simplifiée ayant abouti sur un accord concrétisé sous la forme d’une ordonnance pénale. Ceci permet à l’entreprise et au procureur qui se sont mis d’accord de ne pas passer par la validation du Tribunal de première instance […]».
Cette approche du Ministère public de la Confédération est préoccupante, du moins sur le plan de l’État de droit.
Des jugements opaques
La procédure simplifiée prévoit clairement que le jugement doit être prononcé par un tribunal. Et ce même si une peine pouvant être infligée par ordonnance pénale paraît convenable. Cette pratique est également contradictoire pour une autre raison. Le Ministère public de la Confédération a lui-même décidé en 2017 de ne plus recourir au classement d’une procédure pour cause de réparation (art. 53 CP) car cela serait «déjà et manifestement néfaste à l’intérêt public, qui ne peut pas être considéré comme moindre dans ce contexte». Mais des condamnations négociées dans le cadre d’ententes peu transparentes, sans audience publique et généralement sans être publiées ne répondent pas à cette exigence.
Sans pression extérieure, rien ne changera dans ces pratiques car elles ne dérangent aucune des entités impliquées – ni l’entreprise condamnée ni le Ministère public de la Confédération. C'est pourquoi le Parlement, en tant que législateur, devrait fermement insister sur le fait que les ententes dans le cadre de procédures simplifiées doivent aussi être effectivement soumises pour revue au tribunal pénal responsable.
Des sanctions sans effets
Lorsqu’une condamnation est prononcée pour corruption d'agents publics étrangers ou blanchiment d’argent en Suisse, les peines sont très légères par rapport à celles prononcées à l’international. Les nombreuses peines avec sursis et les peines pécuniaires avec sursis sont particulièrement problématiques. Le faible niveau des amendes infligées à des entreprises a également fait l’objet de critiques. Le groupe de travail de l’OCDE sur la lutte contre la corruption a, par exemple, questionné le fait que les amendes infligées, et les peines encourues de manière générale, ne sont pas suffisamment efficaces, proportionnées et dissuasives. Dans le rapport de suivi d’octobre 2020 sur la dernière évaluation de la Suisse, l’OCDE critique le fait que les montants des amendes «restent peu proportionnés à la gravité des faits et aux montants en jeu.»
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La corruption ne serait-elle qu’une broutille?
Si l’on se penche sur certaines des condamnations pour corruption d'agents publics étrangers publiquement accessibles, trois points ressortent particulièrement:
- la vaste majorité des peines ont été infligées avec sursis;
- il y a eu beaucoup de peines pécuniaires avec sursis;
- la majorité des condamnations ont aussi ici été prononcées par ordonnance pénale.
Ce dernier élément devrait déjà mettre la puce à l’oreille. La procédure d’ordonnance pénale a été introduite à l’ensemble de la Suisse en 2011 pour soulager les autorités judiciaires en permettant de traiter les cas de criminalité de faible gravité à l’aide de procédures accélérées. La question se pose de savoir si la corruption d'agents publics étrangers est un simple délit de faible gravité?
Dans ce domaine également, la Suisse n’est pas épargnée par les spécialistes du groupe de travail de l’OCDE, qui estiment que l’analyse des sanctions infligées contre des personnes physiques dans des cas de corruption d’agents publics étrangers «soulève de sérieuses interrogations quant à leur caractère effectif, proportionné et dissuasif». Le groupe de travail relève par ailleurs «la rareté des peines fermes prononcées malgré la gravité des faits avérés et les responsabilités de haut niveau assumées par les personnes incriminées». Le recours à des peines pécuniaires avec sursis fait également l’objet de critiques.
La même conclusion ressort de l’analyse des spécialistes du Groupe d’action financière (GAFI), qui contrôlent régulièrement l’application des normes minimales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
En vertu des règles générales du droit des sanctions, il est également possible d’infliger des peines plus importantes pour des cas modérés et graves de corruption d'agents publics étrangers ou de blanchiment d’argent. Mais cela demande un changement d’approche. Celui-ci a commencé il y a plus de 30 ans, mais il est encore loin d'avoir abouti.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que, à la fin des années 1990, alors que les paiements corruptifs étaient encore défiscalisés en tant que «dépenses nécessaires» et que la Suisse n'avait encore pas de stratégie d'argent propre, ces délits aient encore été considérés comme étant de faible gravité ou des infractions mineures. En revanche, il est essentiel aujourd’hui que les autorités de poursuite pénale poursuivent de manière systématique le blanchiment d’argent et la corruption et prononcent à leur encontre des sanctions dissuasives.
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De faibles amendes qui ne dissuadent pas les entreprises
Avec un maximum de 5 millions de francs, la menace de sanction dans le droit pénal des entreprises est faible. Le groupe de travail de l’OCDE sur la lutte contre la corruption en a également fait la critique, le niveau de la sanction ne correspondant pas à la convention de l’OCDE.
Pour ce qui est des personnes morales, l’OCDE exprime «de vives réserves quant au caractère effectif, proportionné et dissuasif des sanctions prononcées à l'encontre des entreprises condamnées pour corruption transnationale». Et l’ajout d’une mesure de recouvrement ne change rien au problème. C’est d’autant plus le cas lorsqu’on tient compte des faits incriminés et des sommes parfois exorbitantes acquises en lien avec le délit. Les spécialistes de l’OCDE constatent également que les amendes infligées n’atteignent jamais le montant maximal prévu par la loi, et ce alors que celui-ci (5 millions de francs) est déjà relativement faible. En comparaison internationale, la Suisse peut clairement mieux faire (voir tableau).
Du point de vue du Conseil fédéral, il n’est toutefois pas nécessaire d’agir, malgré les critiques internationales.
Le gouvernement a le culot de rappeler que le Ministère public de la Confédération a infligé une amende de 4 millions de francs dans l’affaire Gunvor et n’a ainsi pas atteint en pratique le maximum prévu.
Le Conseil fédéral semble ignorer que pour fixer le montant d’une amende infligée à une entreprise, il faut tenir compte de la gravité de l’infraction, du défaut d’organisation et des dommages causés, ainsi que de la capacité économique de l’entreprise. Dans l’ordonnance pénale rendue contre Gunvor, le Ministère public de la Confédération était parti de l’amende maximale en raison de la gravité de l’infraction, mais avait appliqué une réduction de 20% car l’entreprise avait assuré une «amélioration progressive de son organisation en matière de lutte contre la corruption depuis 2012, par la mise en place de mesures inspirées des standards reconnus.»
Le Conseil fédéral envisage toutefois, dans le cadre d’une éventuelle harmonisation de la procédure pénale administrative, de revoir également l’amende maximale prévue par la loi, et il ne serait «pas exclu que la solution choisie – à moyen terme – ait une incidence sur l'art. 102 CP». Cela ne ressemble malheureusement pas à une véritable prise de conscience du problème ni à une stratégie d’amélioration des instruments de lutte contre la criminalité économique dans ce domaine.
Pour que les amendes infligées aux entreprises aient vraiment un effet dissuasif, elles doivent au moins s’élever à 10 millions de francs. Si ces 10 millions s’avèrent trop faibles dans certains cas, il faut avoir la possibilité d’infliger une amende allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires moyen des trois derniers exercices. Le Conseil fédéral et le Parlement feraient bien d’introduire d’autres possibilités de sanction dans la loi. Ils peuvent prendre comme exemple l’avant-projet de 1991, qui prévoyait en outre : un prélèvement sur le bénéfice, une imposition de règles de conduite, des mesures de surveillance, une interdiction d'exercer, et jusqu’à la dissolution de l’entreprise.
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Transparence des poursuites pénales et casier judiciaire
Les entreprises condamnées ne sont pas inscrites au casier judiciaire. C'est pourquoi il n’existe pas de statistiques officielles. Les autorités de poursuite pénale ne savent donc pas non plus si une entreprise fautive est récidiviste. Les poursuites pénales auprès d’un tribunal pénal ou d’une cour d’appel sont par principe publiques. Ce n’est pas le cas des procédures d’ordonnance pénale, si elles concluent directement une enquête du Ministère public de la Confédération. Les ordonnances pénales ne sont pas non plus systématiquement publiées, comme c'est depuis lors le cas de nombreuses décisions de tribunaux.
Le groupe de travail de l’OCDE sur la lutte contre la corruption a recommandé à la Suisse d’au moins «publier, en temps opportun et en conformité avec les règles de procédures applicables, certains éléments des ordonnances pénales dans les affaires de corruption transnationale, y compris les bases légales du choix de la procédure, les faits avérés, les personnes physiques et morales sanctionnées (de manière anonymisée au besoin) et la ou les sanctions imposées». Toutes les ordonnances pénales ayant acquis force de chose jugée peuvent certes être consultées sur l’un des sites du Ministère public de la Confédération dans les 30 jours, mais il manque encore une base de données des décisions publiquement accessible et présentant les jugements entrés en force contre des entreprises.
Le système de consultation actuellement en vigueur est fastidieux et présente des manquements, notamment en matière de transparence des poursuites pénales. Le fait que les condamnations d’entreprises ne soient pas enregistrées dans le casier judiciaire est également très préoccupant. Et ce pas seulement pour des raisons de transparence : des entreprises condamnées à de multiples reprises pour les mêmes infractions ne sont pas présentées comme récidivistes dans le casier judiciaire.
La Suisse aurait tous les instruments pénaux nécessaires pour lutter contre le blanchiment d’argent et la corruption, il lui manque uniquement la volonté réelle de les utiliser.
Il faudrait en outre, pour avoir un véritable effet dissuasif, que les condamnations pénales soient publiées et publiquement accessibles. Car seule la crainte de se faire attraper peut dissuader de commettre un délit. Faute de quoi, les sanctions doivent être plus lourdes, et en particulier les amendes infligées aux entreprises.
Les autorités politiques doivent reconnaître que le blanchiment d’argent et la corruption ne sont pas des broutilles, mais des actes graves et des problèmes mondiaux aux conséquences dévastatrices.