Les émissions d’Inditex liées au transport ne cessent d’augmenter

En novembre 2023, nous révélions qu’Inditex, qui possède les marques Zara, Massimo Dutti ou encore Pull & Bear, transporte des tonnes de vêtements par avion, aggravant ainsi la crise climatique. De nouvelles données confirment que, malgré les critiques et les appels à davantage de responsabilité, Inditex continue de recourir massivement au fret aérien. En 2024, ses émissions liées au transport ont même augmenté de 10%.

ll faut plonger dans les 514 pages du rapport annuel du géant espagnol de la fast fashion pour dénicher des chiffres relatifs aux émissions générées par le transport en 2024. Et ceux-ci sont révélateurs. Alors qu’Inditex déclare avoir réduit ses émissions dans d'autres domaines, celles dues au transport et à la distribution des marchandises ont bondi de 10% en 2024, atteignant 2,6 millions de tonnes d’équivalent CO2 (contre 2,3 millions l'année précédente, ou 2,0 millions selon l'ancienne méthode de calcul d’Inditex). En moyenne, le transport et la distribution représentent désormais environ 20% de l'empreinte carbone des vêtements vendus par le groupe espagnol.

Un manque flagrant de transparence

Au lieu d’assumer ces chiffres, Inditex tente de masquer sa dépendance au fret aérien et son impact considérable sur le climat. Le transport aérien n'est mentionné qu’une seule fois dans son rapport annuel, et uniquement pour évoquer un accord sur l'utilisation de carburant d'aviation durable. Inditex prévoit en effet d’utiliser une part de 5% de ce carburant pour ses vols au départ de Madrid. Mais face à l'ampleur du problème, cela ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan. 

Présenter une mesure isolée et extrêmement restreinte comme une solution, tout en cachant les quantités réelles d’émissions de gaz à effet de serre générées par le fret aérien, relève du pur greenwashing

Inditex a également changé de méthodologie pour calculer ses émissions dans son rapport annuel. Résultat: le groupe affiche une baisse apparente des émissions totales générées par ses activités. Mais en réalité, la situation est alarmante, car les émissions d’Inditex liées au transport et à la distribution ont augmenté de manière significative.

Des données confirment l'explosion du fret aérien d'Inditex

À l’aéroport de Saragosse, en Espagne, où Inditex a installé son principal centre logistique, les volumes de marchandises transportés sont en hausse, comme en témoignent les données statistiques consultées par Public Eye. La majeure partie provient du géant de la mode éphémère. Les vols pour acheminer des articles depuis les usines asiatiques vers les centres logistiques européens ont significativement augmenté. Notre analyse des données douanières détaillées du Bangladesh confirme cette tendance, comme le relayait récemment un reportage vidéo de Context, une plateforme médiatique créée par la Fondation Thomson Reuters.

H&M montre qu'une autre voie est possible

Un coup d'œil du côté d’H&M, grand rival d’Inditex, montre que le modèle d’affaire de la fast fashion peut se passer en grande partie du fret aérien. En 2023, seul 1% de la marchandise commercialisée par le géant suédois était transporté par avion. Et les émissions de gaz à effet de serre dues au transport et à la distribution s'élevaient à 448 kilotonnes d'équivalents CO2, soit 5,2% seulement des émissions totales du groupe. 

Mais pas de quoi impressionner Inditex. Plutôt que d’utiliser enfin chaque levier à disposition pour réduire son impact climatique, l’entreprise mise sur d'hypothétiques innovations technologiques à venir. Interrogée par Bloomberg, Inditex a expliqué que la réduction des émissions n'était pas uniforme entre les différents maillons de la chaîne d'approvisionnement, par exemple en raison du manque de solutions technologiques alternatives, comme les carburants d’aviation durables. 

En parallèle, Inditex minimise le problème à grand renfort d’arguments trompeurs: «Le transport maritime et routier reste de loin le principal mode de transport de nos vêtements », a déclaré l'entreprise à Bloomberg. Un argument fallacieux. C'est peut-être vrai en tenant uniquement compte de la distance parcourue. Mais si l'on analyse les émissions réelles, le constat est tout autre: par kilomètre parcouru, le fret aérien émet beaucoup plus de CO2. Chez H&M, cette modeste part de 1% de fret aérien représente tout de même 18% des émissions liées au transport. Si Inditex faisait preuve de la même transparence, tout le monde verrait que le fret aérien est de loin le principal responsable des émissions de transport de Zara et consorts. 

Inditex doit assumer ses responsabilités

Ces chiffres sont alarmants. Inditex continue de miser sur un modèle logistique qui fait de la vitesse une priorité absolue, comme si la crise climatique n'existait pas. Au vu de cette stratégie irresponsable, les promesses climatiques du groupe manquent cruellement de crédibilité. Les vêtements ne sont pas des denrées périssables. Ils peuvent donc mettre quelques semaines de plus avant d’arriver…  

Notre message à Inditex et aux autres enseignes de la mode: renoncez enfin à la «mode avion», injustifiée et néfaste pour le climat!    

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