Pendant que l’UE avance, la Suisse reste à la traîne

Le 24 mai 2024, le Conseil de l’Union européenne a adopté la Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Pour le Conseil fédéral et le Parlement, la question de la responsabilité des multinationales est encore et toujours renvoyée aux calendes grecques. La Suisse risque ainsi de se retrouver parmi les rares pays européens sans législation effective sur la responsabilité des entreprises.

La Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (également connue sous le nom de directive européenne sur la chaîne d’approvisionnement, ou CSDDD) concerne toute grande entreprise domiciliée dans un État membre de l’Union européenne, employant plus de 1000 salarié·e·s et ayant réalisé un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros. Elle prévoit pour les grandes entreprises un vaste devoir de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement, par exemple en lien avec l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants ou encore du versement de salaires indécents. D’une part, en amont de la chaîne de création de valeur (par exemple, lors de la fabrication d’un produit) et, d’autre part, de manière plus limitée, en aval (par exemple, lors de la distribution). En outre, les grandes entreprises doivent présenter des plans de transition climatique qui expliquent comment elles comptent aligner leur stratégie commerciale sur les objectifs climatiques de Paris. 

Si les entreprises ne respectent pas ces obligations, la CSDDD prévoit une série d’instruments de sanction. Chaque État membre doit désigner une autorité de surveillance nationale qui contrôle la mise en œuvre et puisse, en cas d’infraction, infliger notamment des amendes fondées sur le chiffre d’affaires de l’entreprise. La directive prévoit également une responsabilité civile en cas de violation intentionnelle ou par négligence des obligations en matière de vigilance, lorsqu’un dommage a été causé. 

La directive européenne sur la chaîne d’approvisionnement est entrée en vigueur le 25 juillet 2024 et doit être transposée par les États membres dans leur droit national sous un délai de deux ans. Un an plus tard, les règles commenceront à s’appliquer aux entreprises, avec une mise en place progressive entre trois et cinq ans après l’entrée en vigueur, en fonction de la taille de l’entreprise et de son chiffre d’affaires. De plus amples informations sur le contenu de la CSDDD sont disponibles sur le site de la European Coalition for Corporate Justice (ECCJ).

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Impact sur les multinationales suisses

La directive européenne sur la chaîne d’approvisionnement s’applique également aux entreprises dont le siège est domicilié dans un pays tiers, comme la Suisse, si elles réalisent dans l’UE un chiffre d’affaires net de plus de 450 millions d’euros. Or selon les premières estimations, cela ne concerne qu’environ 150 sociétés domiciliées en Suisse et des interrogations demeurent sur la mise en œuvre concrète de la loi, en particulier sur les questions de surveillance, de sanctions et de responsabilité. Il est donc toujours aussi urgent que des mesures soient aussi prises en Suisse afin de rattraper le retard sur l’UE.

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