Suisse-Kazakhstan: une longue histoire d’amour et de scandales
Au début des années 2000, la justice genevoise découvrait les comptes du président Noursoultan Nazarbaïev au Crédit Agricole et chez Pictet, à Genève, alimentés par des compagnies pétrolières étatsuniennes en échange de droits d’exploitation au Kazakhstan. Quelque 115 millions de francs ont alors été bloqués. Ce premier «Kazakhgate» s’est conclu par la restitution de ces fonds à des ONG locales, sous la surveillance de la fondation privée Bota.
En 2010, c’est le gendre de Nazarbaïev, le milliardaire Timour Koulibaïev, et l’un de ses partenaires qui étaient visés par une enquête du Ministère public de la Confédération (MPC) pour blanchiment d’argent. Cette instruction tentaculaire, qui impliquait notamment Credit Suisse, a été classée en 2013. Répondant à une demande d’entraide judiciaire, la police financière kazakhe avait conclu que personne au Kazakhstan n’avait été lésé et que, par conséquent, il n’existait aucun délit préalable aux opérations de blanchiment soupçonnées d’avoir été commises en Suisse.
Avant l’ouverture de cette procédure, Dinara Koulibaïeva, la fille cadette du président et épouse du milliardaire Timour Koulibaïev, avait pris ses quartiers en Suisse, d’abord au Tessin en 2007, puis deux ans plus tard à Genève, où elle possède aujourd’hui deux propriétés acquises pour des sommes faramineuses à Anières (74,7 millions de francs) et Collonge-Bellerive (62 millions de francs). Elle y vit toujours paisiblement au bénéfice d’un forfait fiscal.
Une famille controversée, les Khrapounov, ont eux aussi jeté leur dévolu sur la Suisse en s’installant à Cologny en 2007. Viktor, l’ancien maire de la plus grande ville du Kazakhstan, Almaty, était alors soupçonné d’avoir facilité l’enrichissement de sa femme Leila. Avec leur fils Ylias, qui est marié à la fille de Moukhtar Abliazov – le principal opposant de Nazarbaïev réfugié en France, également accusé d’avoir détourné des milliards –, ils sont devenus les bêtes noires du régime actuel.
Sur les bords du Léman, les réseaux kazakhs sont particulièrement actifs. En 2014, Le Temps a révélé comment Thomas Borer (l’ancien ambassadeur de Suisse à Berlin) et le grand cabinet d’avocat∙e∙s zurichois Homburger SA avaient œuvré pour le compte du gouvernement kazakh. Il s’agissait de faire pression sur la justice helvétique, qui venait de refuser d’extrader les Khrapounov – en vertu d’une enquête ouverte en 2012 et aujourd’hui classée –, pour qu’elle change de position. Le conseiller national Christian Miesch (UDC/BL), un grand ami du Kazakhstan et de son régime autoritaire, avait rédigé une interpellation en ce sens, de concert avec les lobbystes d’Astana.
Puis c’est la conseillère nationale Christa Markwalder (PLR/BE) qui a été mise en cause. Son intervention parlementaire favorable au régime kazakh – déposée en 2013 – avait été rédigée par une agence de relations publiques mandatée par un parti politique kazakh proche de l’ex-président Nazarbaïev.
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«Kazakhstan, cauchemar suisse?»: article paru dans La Cité, le 21 avril 2016