Après l'interdiction du paraquat, un autre pesticide de Syngenta continue d'empoisonner des agriculteurs brésiliens
Lausanne, 9 décembre 2024
En octobre dernier, Public Eye et Unearthed se sont rendus dans l’État du Paraná afin de rencontrer des agriculteurs et des familles de victimes d’intoxications aigues au diquat. Les témoignages recueillis sont inquiétants: plusieurs personnes racontent avoir été victimes d’une paralysie temporaire ou de lésions oculaires permanentes à la suite d'une exposition accidentelle au diquat. Un agriculteur est même décédé après avoir ingéré, dans un moment de désespoir, quelques gorgées d’un produit vendu par Syngenta. Les autorités brésiliennes se disent préoccupées par la hausse des cas d’intoxication au diquat. Bon nombre ne seraient par ailleurs pas déclarés, faute d’accès à des soins dans les zones reculées ou parce que les personnes concernées ont peur de possibles représailles de la part de leurs employeurs.
Le diquat est un herbicide commercialisé par Syngenta, interdit en Suisse et dans l’UE en raison de sa toxicité aigüe et d’un «risque élevé» pour les agriculteurs et les personnes résidant aux abords des champs. Des études suggèrent aussi que cette substance est susceptible de causer la maladie de Parkinson. Le diquat appartient à la même famille chimique que le tristement célèbre paraquat de Syngenta, impliqué dans des dizaines de milliers de cas d’empoisonnements à travers le monde. En 2021, les «Paraquat Papers», publiés par Public Eye et Unearthed, avaient révélé les stratégies mensongères du géant bâlois pour maintenir son herbicide toxique sur le marché.
Après l’entrée en vigueur de l’interdiction du paraquat en 2020 au Brésil, numéro un mondial dans la production de soja, de canne à sucre, de café et d’oranges, l’utilisation du diquat a explosé. Entre 2019 et 2022, les ventes sont passées de 1 400 tonnes à 24'000 tonnes par an. Le diquat fait désormais partie des dix pesticides les plus utilisés dans le pays. En parallèle, les cas d’empoisonnement au diquat ont commencé à augmenter. Le Reglone, produit phare de Syngenta, est le plus fréquemment cité parmi les cas recensés dans les données du ministère de la Santé.
Le géant bâlois fabrique le Reglone dans son usine d’Huddersfield, au Royaume Uni, où l’utilisation du diquat est pourtant interdite depuis des années. Notre enquête montre qu’en 2023, Syngenta a exporté plus de 5000 tonnes de diquat depuis le sol britannique, dont plus de la moitié étaient destinée au Brésil. Des exportations de cette substance ont aussi lieu depuis la Suisse, mais on ignore en quelle quantité, car celles-ci n’apparaissent pas dans les données officielles en raison d’importantes lacunes dans la législation helvétique. Il est grand temps que le Royaume Uni, la Suisse et toute l'Europe interdisent l'exportation de pesticides hautement dangereux bannis sur leur propre territoire, afin de ne plus exposer les populations et l'environnement dans les pays à revenu plus faible à de tels poisons.
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