Les négociants face à la justice: Public Eye a analysé 20 affaires emblématiques des mauvaises pratiques du secteur

De A comme Addax à V comme Vitol et de 2004 à aujourd’hui: Public Eye a répertorié, de manière inédite, les affaires judiciaires impliquant des négociants suisses de matières premières. Alors que s’ouvriront bientôt, à Bellinzone, les procès contre Trafigura et un ancien employé de Gunvor, les 20 cas documentés montrent pourquoi il est urgent d’agir à Berne. Une autorité de surveillance sectorielle, la ROHMA, proposée par Public Eye depuis dix ans, permettrait enfin d’encadrer ce secteur à haut risque, en protégeant les producteurs, les consommateurs et les concurrents contre les pratiques illégales.
© Jean-Philppe Kalonji

Terre d’accueil de nombreuses multinationales qui extraient et négocient des ressources énergétiques, des métaux ou des produits agricoles dans le monde entier, la Suisse est régulièrement impliquée dans des violations de droits humains, des atteintes à l’environnement ou des affaires de corruption. Aux niveaux national et international, les procédures contre des sociétés actives dans les matières premières, pour la plupart basées à Genève ou à Zoug, se multiplient. Afin d’offrir une vue d’ensemble, Public Eye a documenté 20 cas emblématiques, dont certains remontent à plusieurs années et d'autres sont d’une actualité brûlante. Chaque exemple est accompagné de liens vers les sources originales ainsi que d'une chronologie. Les lacunes du système législatif suisse et international sont par ailleurs exposées de manière systématique.

Parmi les affaires analysées: l'enquête menée par le «Serious Fraud Office» britannique sur les activités de Glencore au Soudan du Sud, où des valises remplies de billets en provenance du «cash desk» de la société en Suisse avaient ouvert la voie à des affaires très lucratives. Ce cas met en lumière plusieurs failles législatives ainsi que l’inutilité des mesures volontaires prises par les entreprises. En novembre 2022, un tribunal londonien a condamné le géant zougois à payer près de 281 millions de livres sterling pour avoir versé ces pots-de-vin au Soudan du Sud et dans d’autres pays. 

Les procédures internationales contre Chiquita, domiciliée sur les bords du lac Léman, remontent au tournant du millénaire. En juin dernier, la multinationale a été condamnée, par un tribunal civil aux États-Unis, à verser plus de 38 millions de dollars de dommages et intérêts aux familles de huit victimes assassinées en Colombie par des groupes paramilitaires cofinancés par Chiquita. Et trois négociants suisses sont impliqués dans la tentaculaire affaire de corruption autour de la compagnie pétrolière semi-étatique brésilienne Petrobras, qui fait les gros titres dans le monde entier depuis 2014. Deux d’entre eux ont été condamnés à payer des centaines de millions de dollars pour différents délits de corruption.

La diversité et la complexité de ces trois cas illustrent bien l’étendue de notre catalogue, fruit de recherches approfondies et illustré avec talent par l'artiste genevois Kalonji. Ces procédures parfois toujours en cours ainsi que leurs conséquences pour les pays producteurs, mais aussi pour la réputation de la Suisse, soulignent la nécessité d’établir une autorité de surveillance spécifique, la ROHMA. Devenu la poule aux œufs d’or de la Suisse, le secteur à haut risque des matières premières ne cesse de gagner en importance géopolitique. Il est fondamental que les entreprises suisses respectent les lois dans toutes les juridictions où elles opèrent. Les cas analysés montrent à quel point l'autorité de surveillance demandée par Public Eye depuis septembre 2014 est nécessaire pour rendre ce secteur plus équitable, endiguer les pratiques délictueuses et lutter contre la malédiction des ressources naturelles.

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