Pesticides interdits: plus de 80'000 tonnes exportées depuis l’UE, dont un tiers par Syngenta
Lausanne/Zurich, 10 septembre 2020
En 2018, les pays de l’Union européenne (UE) ont approuvé l’exportation de 81 615 tonnes de pesticides contenant des substances dont l’utilisation est interdite dans leurs champs en raison des risques inacceptables qu’ils présentent pour la santé humaine ou l’environnement. Le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, la Belgique et l’Espagne couvrent plus de 90% des volumes. Ces exportations étaient destinées à 85 pays, dont les trois-quarts sont des pays en développement ou émergents, où les réglementations sont plus faibles et les risques plus élevés. C’est ce que dévoile une nouvelle enquête* de Public Eye et Unearthed, la cellule investigation de Greenpeace UK, qui dresse une cartographie inédite de ces exportations toxiques.
Au total, 41 pesticides interdits dans l’UE ont été annoncés à l’exportation depuis 11 pays membres par une trentaine de sociétés. Le paraquat de Syngenta représente à lui seul plus d’un tiers (28 000 tonnes) des volumes totaux, faisant du géant bâlois le numéro un de ce commerce. En 2018, il a annoncé près de trois fois plus de volumes de pesticides interdits exportés depuis l’UE que son plus proche concurrent, la multinationale états-unienne Corteva (qui exporte notamment le dichloropropène, classé cancérogène probable). Syngenta exporte aussi des pesticides interdits depuis la Suisse, comme le montre notre analyse des données de l’Office fédéral de l'environnement (OFEV).
Le paraquat a été banni dans l’UE en 2007 – en Suisse en 1989 – en raison des risques très élevés pour le personnel agricole. Des études ont par ailleurs montré qu’une exposition chronique, même à de faibles doses, peut favoriser le développement de la maladie de Parkinson. Syngenta continue pourtant de le produire dans son usine d’Huddersfield, au Royaume-Uni, et de l’expédier vers des pays comme le Brésil, le Mexique et l’Afrique du Sud, où l’herbicide est régulièrement impliqué dans des cas d’intoxications. En faisant le choix cynique de continuer à vendre une substance aussi dangereuse, Syngenta fait passer les profits avant la santé des agriculteurs et agricultrices.
En juillet dernier, 35 spécialistes des Nations Unies ont appelé l’UE à mettre un terme à cette pratique «déplorable». Les États riches doivent combler les «lacunes» qui permettent aux fabricants d'exporter des pesticides interdits sur leur territoire vers des pays qui n’ont pas la capacité de contrôler les risques et dans lesquels ils provoquent «de fréquentes violations des droits humains à la vie et à la dignité», écrivent-ils dans une déclaration commune. En France, une telle interdiction entrera en vigueur dès 2022, malgré la virulente bataille menée par les fabricants pour faire annuler cette décision. L’UE et la Suisse doivent prendre des mesures contraignantes pour mettre un terme à la politique du «deux poids, deux mesures» qui a permis à ce commerce toxique de prospérer.
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Géraldine Viret, responsable médias, +41 78 768 56 92, geraldine.viret@publiceye.ch
Laurent Gaberell, responsable agriculture et biodiversité, +41 21 620 06 15, laurent.gaberell@publiceye.ch
Infographies à télécharger ici (réalisation : Martin Grandjean)
*Méthodologie
Pendant plusieurs mois, Public Eye et Unearthed ont soumis des demandes d’accès à l’information auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et des autorités nationales. Nous avons obtenu des milliers de «notifications d’exportation», les documents que les entreprises doivent remplir lorsqu’elles prévoient d’exporter vers des pays non-membres de l’UE des produits contenant des substances chimiques bannies dans l’UE. Si les quantités annoncées dans les notifications peuvent différer des volumes effectivement exportés, ces documents représentent la source d’informations la plus complète disponible.
Les 41 pesticides concernés ont tous été explicitement interdits dans l’UE en raison des risques inacceptables qu’ils présentent pour la santé humaine ou l'environnement. C’est pourquoi ils sont inscrits sur la liste des produits chimiques dangereux du règlement sur le consentement préalable informé (PIC) de l’UE et soumis à une obligation de notification d’exportation transmise par les autorités au pays importateur.