Les lacunes de la législation suisse : les fonds Ianoukovitch
Le 26 février 2014, quelques jours après la chute de Viktor Ianoukovitch, le Conseil fédéral a ordonné le gel des avoirs de l’ancien Président ukrainien et de son entourage. Plusieurs personnes occupant de hautes fonctions judiciaires ou gouvernementales étaient concernées. En parallèle, le Ministère public de la Confédération (MPC) et le parquet genevois ont ouvert des procédures à l’encontre du clan Ianoukovitch pour blanchiment d’argent. Une société de négoce genevoise appartenant au fils de Viktor Ianoukovitch a été perquisitionnée. Cette société active dans le négoce de charbon est accusée de blanchiment de matières premières sales : elle se serait enrichie au détriment de l’Etat ukrainien, en commercialisant des matières premières obtenues de manière illégale, volées ou obtenues par le biais de la corruption. Dans la foulée, des demandes d’entraide judiciaires ont également été adressées aux autorités suisses par le Ministère public ukrainien.
L’absence de régulation dans le négoce des matières premières
L’affaire Ianoukovitch n’est que l’un des nombreux scandales qui entachent le secteur suisse des matières premières. À l’heure actuelle, les négociants suisses peuvent acheter des matières premières sans se préoccuper des conditions dans lesquelles elles ont été produites ou commercialisées. Par ailleurs, ils n’ont aucune obligation d’identifier leurs partenaires d’affaires. Pourtant, en les commercialisant, les négociants se rendent complices, intentionnellement ou par négligence, des délits commis en amont de la chaine d’approvisionnement.
Dans un contexte aussi risqué que le secteur des matières premières, il est primordial que les activités de négoce soient encadrées par une régulation efficace. Dans le secteur financier, des mécanismes légaux en vigueur depuis les années 1990 soumettent les intermédiaires financiers à l’obligation de s’assurer que les flux financiers illicites n’infiltrent pas les circuits bancaires internationaux. En revanche, aucun dispositif semblable n’empêche les sociétés suisses de négoce de « blanchir » des matières premières sales. En effet, la loi fédérale sur le blanchiment d’argent (LBA) ne s’applique pas, dans les faits, à ce versant des opérations de négoce et n’impose aucun devoir de diligence sur les chaines d’approvisionnement. Des matières premières acquises illégalement peuvent ainsi infiltrer les marchés internationaux par l’entremise de négociants suisses.
Wanted : une autorité de surveillance du secteur suisse des matières premières
Le secteur des matières premières doit être régulé et surveillé par une autorité appropriée. Toutefois, les autorités suisses refusent de franchir ce pas à l’heure actuelle. En créant la ROHMA, une autorité fictive de surveillance des marchés de matières premières, Public Eye a imaginé pour la première fois, et de façon précise, à quoi la régulation de ce secteur pourrait ressembler. Autorité indépendante, la ROHMA serait compétente pour édicter des mesures afin d’empêcher que des matières premières acquises illégalement n’infiltrent les circuits commerciaux par l’entremise de négociants suisses.