Consommation: comment choisir, comment agir?
Public Eye reçoit de nombreuses sollicitations de consommateurs et consommatrices cherchant des conseils de consommation et des évaluations de produits, d'entreprises ou de labels spécifiques. Ou trouver des vêtements éthiques? Des produits équitables (fairtrade)? Outre notre position critique par rapport à la consommation, nous ne pouvons pas répondre à ces attentes, pour les plusieurs raisons:
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Une consommation responsable ne suffit pas, les réponses sont systémiques
Quand on se penche sérieusement sur la question, prendre les «bonnes» décisions d'achat est loin d’être simple. La plupart du temps, aucune solution n’est entièrement satisfaisante. En effet, les facteurs à prendre en compte sont divers (bilan écologique, conditions de production, etc.) et doivent être pondérés. Considérer, par exemple, qu’il vaut mieux choisir un produit bio importé de l’étranger qu’un produit conventionnel provenant de Suisse dépendra de l’importance que l’on accorde au bilan écologique, aux conditions de production locale ou à d’autres facteurs.
Les choix personnels de consommation sont importants; ils ont une influence si les décisions d’achat sont prises en tenant compte, autant que possible, des facteurs d’équité et de durabilité. Mais au-delà des actes individuels, l’engagement de la société et des citoyen∙ne∙s est décisif, car bien souvent, ce n'est pas un produit spécifique qui pose problème (comme le cacao, les bananes ou les vêtements), mais bien le système sous-jacent (c'est-à-dire l’industrie agroalimentaire ou textile). Une poignée de grandes sociétés dominent les filières mondiales et sont bien plus puissantes que les producteurs locaux ou les salarié∙e∙s.
Pour résoudre les problèmes qui gangrènent la chaîne création de valeur, il faut adopter une approche systémique.
Par conséquent, Public Eye s’engage en faveur de solutions politiques, comme par exemple l’initiative pour des multinationales responsables ou la loi sur les achats publics, qui contient désormais des critères sociaux et écologiques plus stricts. Vous pouvez vous aussi vous engager personnellement: en sensibilisant votre entourage aux enjeux d’une consommation plus responsable, en participant à des projets de développement durable dans votre quartier ou votre ville et en vous rendant aux urnes lors des votations.
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Recommander des produits et des entreprises, c'est délicat!
Nous comprenons que les consommateurs et consommatrices ont besoin de conseils et nous posent des questions. Mais bien souvent, il n’y a pas réponses simples. Quand des alternatives existent, celles-ci sont souvent controversées. En effet, les problèmes qui gangrènent l’industrie agroalimentaire et textile sont structurels, et donc étroitement liés au fonctionnement du secteur et à la manière dont est organisé, par exemple, le négoce des matières premières agricoles ou la production de vêtements. C’est pourquoi Public Eye s’engage pour des solutions politiques et cherche à intervenir sur les causes des abus.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas réaliser une évaluation détaillée de toutes les entreprises. Un monitoring sérieux demande énormément de temps et de ressources. Si nous recommandions des marques ou des projets spécifiques, nous devrions être en mesure de garantir à 100% que ces activités sont responsables, c’est-à-dire que les droits humains et l’environnement sont respectés dans le monde entier. Obtenir ces informations et les tenir constamment à jour demanderait un énorme travail que Public Eye n’est pas en mesure d’assurer. De ce fait, nous ne recommandons pas d’entreprises en particulier.
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Les labels peuvent vous guider, mais sans garantie
Pour l’heure, aucun label ne garantit une production totalement éthique et écologique. Ni pour les produits issus de l’agriculture comme le cacao, ni pour aucun autre produit, notamment les textiles. Donner des garanties dans le domaine social est ambitieux: les contrôles brefs et ponctuels (appelés audits) sur lesquels se fondent les certifications ne reflètent que partiellement le quotidien des travailleurs et travailleuses. Il est nettement plus pertinent que les entreprises adaptent leur politique commerciale à long terme et travaillent en étroite collaboration avec des ONG et des syndicats locaux pour progresser sur la voie de la durabilité.
De plus, les labels ne couvrent généralement qu’une petite partie de l’ensemble de la production d’une entreprise. Si un échantillon restreint de la gamme d’une entreprise respecte des normes sociales et environnementales plus exigeantes, mais que la majeure partie de son offre est produite de manière conventionnelle, l’utilité est limitée. Une démarche vraiment durable implique que les entreprises s’engagent sur la totalité de leur offre et que des salaires et revenus décents, entre autres facteurs de durabilité sociale, fassent partie intégrante de leur modèle d’affaires.
Néanmoins, les labels peuvent orienter les consommateurs et consommatrices, à condition de connaître leurs limites. Chaque label ne couvre que quelques aspects spécifiques de la production, et il existe des différences majeures en termes de structures et de crédibilité. La valeur ajoutée réelle est parfois très controversée. Des études récentes montrent que même les agriculteurs et agricultrices certifié·e·s ne parviennent pas à obtenir des prix suffisants pour garantir leur subsistance ou sortir de la pauvreté.
Par conséquent, si l’on oriente ses choix de consommation en fonction de labels, il est fondamental de savoir précisément quels sont les aspects pris en compte (ou non) par une certification et de porter un regard critique sur les mécanismes de vérification utilisés. Du point de vue de Public Eye, les labels de produits qui font l’objet d’une vérification indépendante sont plus crédibles que les labels d’entreprises. Ces derniers, tout comme les normes industrielles, manquent souvent d’ambition dans leurs objectifs et ne sont pas dotés de systèmes de contrôles efficaces ou de mécanismes de sanction.
Lisez nos commentaires sur les différents labels de chocolat/cacao et consultez notre guide sur les labels textiles.
Au moment d’acheter, posez-vous les bonnes questions et portez un regard critique sur vos propres habitudes de consommation (par exemple, en réduisant votre consommation de produits controversés, ou en y renonçant totalement). Ayez toutefois conscience qu’il est pratiquement impossible aujourd’hui de faire des choix parfaitement cohérents en termes de durabilité écologique et sociale. Et quels que soient les efforts individuels et collectifs déployés, une consommation responsable ne résoudra pas seule les problèmes structurels qui gangrènent les chaînes de production mondiales: un vaste engagement politique est indispensable.
Plusieurs pistes peuvent toutefois vous aidez à faire vos choix de consommation...
Quel produit alimentaire choisir?
Réfléchissez aux aspects qui sont les plus importants pour vous et sur lesquels vous souhaitez mettre l’accent: le bilan carbone, le suremballage, la production régionale, les conditions de production, etc. Consommer de façon 100% durable est quasiment impossible dans un système alimentaire mondialisé et industrialisé, mais vous pouvez toutefois garder les points suivants à l'esprit lors de vos achats quotidiens:
- Choisir des produits locaux, de saison et peu transformés.
- Parmi ceux-ci, privilégier les produits bio.
- Vérifier que les produits importés n’ont pas été transportés par avion. Si possible, privilégier les produits issus du commerce équitable (fairtrade).
- Réduire sa consommation de viande ou adopter un régime végétarien; prévoir des repas de saison, végétariens ou végans.
- Bannir l'eau en bouteille: l’eau courante est de très bonne qualité en Suisse et la boire est beaucoup plus écologique, puisque cela évite l’utilisation de PET et les lourds procédés de mise en bouteille et de transport.
- Acheter des produits qui ne sont pas emballés, ou sinon des produits réutilisables ou emballés simplement, dans des matériaux recyclables.
- Outre les supermarchés classiques, penser aux autres petits distributeurs tels que les Magasins du Monde, les marchés, les fermes qui pratiquent la vente directe, les paniers de fruits et de légumes, les épiceries en vrac, les boulangeries qui proposent les invendus de la veille (Äss-Bar), etc.
- De manière générale, bien planifier ses achats et ses repas; n'acheter que ce qui sera consommé pour éviter le gaspillage alimentaire.
Comment s’habiller?
Le marché de la «mode éthique» est en pleine croissance; de nombreuses enseignes sont en bonne voie vers une production équitable. Toutefois, à l’heure actuelle, il n’existe tout simplement pas de vêtements produits dans des conditions 100% durables en termes sociaux et écologiques, tout au long de la chaîne d’approvisionnement. C'est pourquoi Public Eye recommande, de manière générale, d'acheter des vêtements de bonne qualité, de les porter longtemps et de les raccommoder. Les magasins de seconde-main et les bourses d’échange de vêtements sont également de bonnes alternatives face aux dérives de la «mode éphémère».
Consultez nos conseils pour prendre le contre-pied de la mode éphémère et nos références pour trouver des informations sur la mode éthique.
Attention, ne vous fixez pas des objectifs trop ambitieux au début! Ayez conscience qu’il est pratiquement impossible, à l’heure actuelle, de faire des choix de consommation parfaitement cohérents quand on se soucie des critères sociaux et environnementaux. Ne vous découragez pas si vous devez faire des compromis. Et puisque notre garde-robe ne peut pas être irréprochable, il est finalement plus important de faire des efforts sur le long terme, d’avancer par petit pas, et de s’engager aussi sur le plan politique.